Objectif Cinéma
: Les théories de Koulechov
sont à la base du cinéma
Lucas Belvaux
: Evidemment
Il vaut mieux les connaître quand
on fait du cinéma. Sinon il y a le plaisir de les redécouvrir.
J'ai appris la théorie de l'effet Koulechov quand j'ai
fait pour la première fois un stage autour du cinéma.
J'avais 16 ou 17 ans. C'est la seule fois peut-être
où j'ai eu une leçon théorique dans ma
vie. Depuis j'y pense, je sais ce que c'est, mais ça
ne m'a pas empêché, la première fois où
j'ai travaillé sur des images dans une salle de montage,
(c'était pour Parfois trop d'amour), de redécouvrir
des implications de l'effet Koulechov. C'est de la magie colle.
Quand on se rend compte que les images qu'on a faites et qu'on
connaît par cur peuvent raconter autre chose une
fois collées ensemble, nous sommes alors dans un phénomène
magique. On s'aperçoit aussi qu'il est délicat
d'être metteur en scène, parce qu'on peut manipuler
les acteurs et leur faire beaucoup de mal. Je me refuse à
jouer à ça, mais il est très facile de
le faire.
Objectif Cinéma
: Vous étiez vous-même
victime de ça quand vous étiez acteur.
Lucas Belvaux
: Oui, mais je n'ai jamais vraiment été confronté
à ça en tant qu'acteur, parce que personne
ne le fait véritablement. Cela ne sert pas le film,
on ne va pas contre les acteurs
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Objectif Cinéma
: Vous n'avez jamais eu de
problème comme metteur en scène avec vos comédiens
?
Lucas Belvaux
: Non, sur un film une fois terminé, jamais
Parfois on peut s'étriper sur un plateau et ne pas
être d'accord
Objectif Cinéma
: Avec Jean-Pierre Léaud
?
Lucas Belvaux
: Avec Jean-Pierre ou avec d'autres
On peut ne pas
être d'accord sur tout, sans en venir aux mains, on
peut ne pas être d'accord, on peut faire preuve de
mauvaise fois des deux côtés, ça se
passe partout comme cela, ce sont des rapports humains classiques
Mais
au bout du compte, les acteurs sont toujours contents quand
ils voient le film terminé. Même si on s'est
engueulé parfois au tournage. Je n'ai pas le souvenir
d'avoir terminé un film en étant fâché
avec les acteurs.
Objectif Cinéma
: Et maintenant, vous n'auriez
pas envie de prendre un personnage et de faire quelque chose
de complètement différent
Lucas Belvaux
: Ce serait difficile parce qu'on n'est pas sûr de
retrouver les décors. Là ce qui est marrant
aussi, c'est que l'action se déroule dans le même
temps
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Objectif Cinéma
: Ou retrouver un personnage
plusieurs années après
Lucas Belvaux
: Peut-être
Oui, ce serait marrant. Mais j'ai
envie de me détacher aussi du projet et d'aller vers
autre chose. Ce n'est pas une aventure à la Doinel,
même si j'aurais adoré trouver un personnage
et lui faire vivre sa vie en parallèle à la
mienne. Mais je ne suis pas dans cette logique-là.
Objectif Cinéma
: Je me rappelle de la scène
de Pour rire où Jean-Pierre Léaud et
Françoise Lebrun se retrouvaient
Lucas Belvaux
: C'était un peu la même envie, revoir des
personnages différemment
J'aime beaucoup Eustache,
et c'était une façon de lui rendre un peu
hommage. On tournait à l'hôtel Dieu, il fallait
une infirmière, ça me plaisait que ce soit
cette infirmière-là et pas une autre
J'aime bien l'idée que le personnage d'un film puisse
vivre dans un autre.
Objectif Cinéma
: La trilogie a-t-elle été
dure à financer ?
Lucas Belvaux :
Oui. Cela a été le grand talent de Patrick
Sobelman d'arriver à financer ces trois films dont
personne ne voulait.