Chef décorateur depuis le début
des années 1990, François Emmanuelli a fait ses
premières armes dans un autre domaine que le cinéma.
Travaillant principalement pour les réalisateurs de sa
génération, il est passé des décors
naturels au décor en studio, des petits budgets au " gros
films " (le Paris ensablé de Peut-être),
du film contemporain au film d’époque, comme Le mystère
de la chambre jaune, le roman de Gaston Leroux transposé
dans les années 1930 par Didier Podalydès, actuellement
en montage.
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Objectif Cinéma :
Comment êtes-vous arrivé
au décor de cinéma ?
François Emmanuelli :
Après deux années de fac d’arts plastiques,
j’ai fait l’école des Arts Appliqués. J’en suis
sorti avec un diplôme de sculpteur maquettiste - on
dit aussi plasticien volume. En 1985, j’ai monté avec
un copain une boîte de fabrication d’objets publicitaires,
des maquettes ou des objets surdimensionnés. Puis j’ai
rejoint les Productions de l’Ordinaire qui faisaient de la
scénographie d’exposition mais également de
la production de film.
Je ne pensais pas du tout entrer dans le milieu du cinéma,
il me paraissait inaccessible, en tout cas pas fait pour moi.
Chez Lazennec Productions, Manuel Sanchez, qui préparait
Les arcandiers m’a contacté en me disant qu’il
n’y aurait que peu de travail. En réalité, j’ai
beaucoup souffert. Jusque-là, j’avais travaillé
dans une entreprise. Avec le cinéma, je découvrais
un tout autre sens, de l’argent, de la gestion, des rapports
humains. Je ne comprenais rien et trouvait le fonctionnement
absurde.
Par la suite, j’ai découvert d’autres absurdités,
comme les cartes professionnelles. Au moment d’Un air de
famille, c’était mon septième film en tant
que chef décorateur, mais n’ayant pas fait le cursus
habituel d’assistanat, je n’avais toujours pas droit à
cette carte. Et le CNC refusait toute dérogation. Cédric
Klapisch a dû écrire en personne deux fois au
CNC, dont une lettre au directeur, et ça s’est arrangé.
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Objectif Cinéma :
Dès votre troisième film, vous travaillez avec
Cédric Klapisch, avec qui vous allez faire cinq films.
François Emmanuelli :
Alain Rocca m’a présenté Klapisch pour faire
Riens du tout, mais notre premier film ensemble fut
Le péril jeune en 1993. C’était un tout
petit budget décor, ou plutôt une charge colossale
de travail pour une petite équipe.
Le tournage a été une machine bien huilée,
bien lancée par Klapisch. Les membres de l’équipe
avaient à peu près le même âge,
ils avaient tous connus l’époque de référence
du film : les années 70, et tous étaient
parisiens, comme les personnages du film. Le piège
était bien sûr de tomber dans les objets clichés
des 70’s, ceux qui sont aujourd’hui dans les musées.
On a visé la sous-culture, sans craindre de malaxer
les époques. Pour ma part, c’est une phase que j’aime
beaucoup, la recherche d’objets et d’accessoires.
Le décor du Péril jeune s’est fait quasiment
sans préparation. Le plan de travail était si
serré que je n’avais le temps de présenter aucun
décor au réalisateur. Il montait l’escalier
pour tourner quand moi je le descendais pour démonter
le décor précédent. Le tournage a duré
5 semaines dans un immeuble destiné à la démolition,
près de la République. On peut dire qu’on s’est
vraiment démené comme des chiens, avec une énorme
énergie, et dans une ambiance très joyeuse.
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