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Objectif Cinéma : Votre film suivant était Les apprentis, de Pierre Salvadori.

François Emmanuelli : Là, j’ai compris ce qu’étaient les problèmes d’argent. Ou plutôt, à partir de ce film, j’ai pris en compte différemment la fameuse phrase que l’on nous dit souvent à nous chefs décos : " il n’y a pas d’argent "…


  Les Apprentis (c) D.R.
Objectif Cinéma : Y a-t-il un moment précis, un film à partir duquel vous avez réellement accroché avec le cinéma ?

François Emmanuelli : Il y a eu la rencontre avec Klapisch, avec une équipe sympathique et un réalisateur qui a le sens du cinéma. Mais le moment définitif, celui où j’ai ressenti la plus grande joie en tant décorateur, c’est avec Un air de famille.

Au début, je continuais à faire des expositions. Cela restait mon principal centre d’intérêt et c’est là que se trouvaient mes amis. Donc je refusais les films pour lesquels il fallait s’absenter longtemps. À trois jours du départ, on m’a proposé L’odeur de la papaye verte. Je devais partir six mois au Vietnam, j’ai dit non et pour finir le tournage s’est fait en studio à Bry-sur-Marne ! Ou bien je refusais, si je n’étais attiré ni par le réalisateur, ni par le projet. Je continue d’ailleurs de refuser des films qui ne m’intéressent pas, ou qui comportent trop de violence.


Objectif Cinéma : En quoi Un air de famille est-il si important pour vous ?

François Emmanuelli : Il y a plusieurs raisons. C’était la première fois où je travaillais avec une aussi grande maison de production, Téléma. Les gens, l’organisation, tout était hyper professionnel, bétonné. Le film s’est fait entièrement aux studios de Stains, sur un plateau de 800m2. Comme je n’avais jamais fait de studio, je me suis entouré d’une solide équipe et là, je me suis éclaté. La production a tenu à ma présence sur le plateau pendant les huit semaines de tournage, juste au cas où...

En assistant à la totalité du tournage, j’ai vraiment pris une leçon de cinéma, de comédie, de direction d’acteur. Pour moi, c’est un film pleinement abouti. J’aime les acteurs, le scénario, la lumière, le décor… Il faut dire que quand un film est raté, après tant d’efforts, on n’a pas envie de continuer ce métier. Pour Un air de famille, j’ai pleuré de joie à la première projection.

J’aime également le principe du décor unique. C’est un travail de laboratoire, tout en minutie, et où l’on soigne beaucoup les axes de caméra. C’est aussi le cas de Cravate Club, également adapté d’une pièce de théâtre. L’action est située dans une agence d’architecte, un lieu difficile à filmer et à rendre savoureux. En tout cas, au départ, c’est moins savoureux qu’un café. Les architectes sont plutôt ordonnés, modernes, techniques. On a donc fait un lieu impersonnel dans lequel on s’est appliqué à mettre le bordel comme après une charrette. Je regrette que ce film n’ait pas marché.

Un air de famille (c) D.R.

Objectif Cinéma : Un air de famille vous a donc donné le goût du studio ?

François Emmanuelli : C’est certainement plus gratifiant. Certains réalisateurs craignent le studio, ne veulent pas paraître pantouflards, ou ont peur de " s’embourgeoiser ". Ou alors ils craignent d’être étouffé par la technique, d’avoir un bel outil en main sans savoir vraiment l’utiliser. Si j’étais réalisateur, j’aurais une appréhension à tourner chez les gens, dans des immeubles, en bloquant les cages d’escalier ou les ascenseurs, ou la rue avec les camions.

Le studio a des avantages. Pas de bruit, pas d’intempéries, on peut tourner la nuit en plein jour, pas de décors ou de lumières à démonter en urgence, et pas de PV non plus sur les voitures… Sur Cravate club, un comédien enchaînait sur un autre film le lendemain de sa dernière scène, on ne pouvait se permettre ni imprévu, ni retard.


Objectif Cinéma : Votre film le plus important - du moins en termes de budget - est Peut-être.

François Emmanuelli : C’est un film qui a coûté 90MF, dont 12 pour le décor, plus 6 pour la post-production. Au tout début, on avait envisagé de travailler en studio, sur le plateau de 4000 m2 à la Ferté Allais, puis en extérieurs, dans divers pays et l’on a fini dans le désert tunisien. On a donc construit les immeubles principaux autour du carrefour, avec le marché, les terrasses de café… Tous les lointains ont été faits en numérique, et les intérieurs en studio à Paris.