Jacques Tarnero, philosophe et sociologue,
a consacré ses travaux au décryptage des formes
contemporaines du racisme et de l'antisémitisme. Avant
Décryptage, une analyse des représentations
du conflit israélo-palestinien (2003) qu’il a co-réalisé
avec Philippe Bensoussan, il avait réalisé le
documentaire Autopsie d’un Mensonge, le négationnisme
(2000).
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Ciné Lycée
: Décrypter, c’est s’efforcer
de découvrir, dans des images chiffrées, un
sens. Est-ce bien de cela qu’il s’agit ?
Jacques Tarnero : On a eu du
mal à trouver le titre. L’idée du film, c’était
de faire un commentaire du commentaire (du confit israélo-arabe).
Mais on aurait pu nous dire : vous commentez les commentaires,
mais vous omettez les faits. Or, dans le film, il y a les
deux. A la fois les faits, et le commentaire des commentaires.
On est arrivé, pour finir, à l’idée de
" Décryptage ". L’essentiel, c’est cette volonté
de lire entre les lignes, de lire au travers de ce que l’on
voit, de proposer une autre lecture de ce qui est donné
à entendre, à voir ou à lire. Parce que
nous estimons que ce que l’on lit, ce que l’on voit à
la TV etc.. est un discours codé. Codé idéologiquement.
Notre projet est de montrer comment le commentaire produit
sur le conflit est d’abord idéologique. Il renvoie
aux faits, mais il constitue d’abord une production idéologique
sur les faits.
Ciné Lycée :
On pourra nous dire que vous faites
vous-mêmes ce que vous dénoncez chez les autres.
Jacques Tarnero : Oui, en un
sens : on propose une contre lecture. On nous a reproché
l’aspect pamphlétaire du film : je l’assume pleinement.
C’est un éditorial, un pamphlet avec une analyse, et
une grille de lecture de ce qui nous est donné à
voir.
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Ciné Lycée
: C’est un essai ?
Jacques Tarnero : Oui . C’est
l’équivalent en film d’un essai. Ce n’est pas un documentaire,
ce n’est pas un film historique. Je le dis d’entrée
de jeu. C’est une opinion, qui est le produit d’une indignation.
Le point de départ, c’est quelque chose de très
intime : l’aspect insupportable de la volonté de faire
d’Israël le nouvel Etat nazi, de faire des israéliens
des Pieds-noirs, avec cette vision angélique du camp
opposé, une vision dépourvue de tout esprit
critique.
Ciné Lycée :
Pourquoi un film, plutôt qu’un
article, ou un livre ?
Jacques Tarnero : Nous avons
voulu montrer. Parce que ce sont en grande partie des images
qui sont en cause dans ce système que nous dénonçons.
Nous avons voulu être en phase avec ce qui est en jeu.
Ciné Lycée :
Au début du film, vous distinguez
le drame et la tragédie. Dans un drame, il y a des
bons et des méchants, il y a ceux qui ont raison, et
ceux qui ont tort. Dans une tragédie, ce n’est pas
le cas. Antigone a raison, mais Créon n’a pas tort.
Le conflit israélo-palestinien est donc une tragédie
?
Jacques Tarnero : Oui. Je ne
fais pas d’Israël un Etat où ne coule que du lait
et du miel. Oui c’est une tragédie . Je n’idéalise
pas Israël. A aucun moment je ne dis :les palestiniens
sont les méchants, les israéliens sont les bons.
Oui, il faut critiquer Israël .Oui, il y a un débat
violent, âpre dans la société israélienne.
Israël n’est pas un Etat au dessus de tout soupçon.
Mais il y a des limites : la diffamation , le mensonge, la
caricature, l’outrance, non !
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