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Objectif Cinéma :
Contrairement à de nombreux
décorateurs de cinéma contemporain, vous avez commencé par
le théâtre.
Michel Vandestien :
Au départ, je voulais être musicien. Je suis issu d’une famille
d’ouvriers, et comme beaucoup, mes parents voulaient autre
chose pour leurs enfants. La peinture n’étant pas un métier,
je suis entré - en cachette - aux Beaux-arts de Tourcoing.
Je suis devenu maître auxiliaire, j’ai enseigné la peinture,
l’histoire de l’art, le dessin dans des écoles d’art appliqué.
Une jeune compagnie de théâtre, La Salamandre, s’est installée
dans le Nord. Le directeur, Gildas Bourdet, cherchait un décorateur
et je me suis présenté. J’ai été d’abord peintre décorateur
puis décorateur au bout de trois semaines, je suis resté avec
eux environ cinq ans. Le rideau se levait et on applaudissait
les décors, on entendait la surprise.
Un cinéaste, Patrick Brunie, est venu tourner à Tourcoing.
C’est ainsi que j’ai fait mon premier film. Je suis donc arrivé
au cinéma au travers de personnes, par affinités. Pas par
volonté de faire du cinéma.
Objectif Cinéma :
Mais vous connaissiez bien
le cinéma ?
Michel Vandestien :
Non. Je voyais des films, bien sur : Pasolini, Fassbinder,
Bergman, Bunuel…. Quand Carax rencontrait des décorateurs
pour Mauvais sang, il leur demandait avec qui ils aimeraient
travailler. Beaucoup répondaient avec des noms de réalisateurs
à la mode. Sans calcul de ma part, j’ai cité des cinéastes
qui étaient quasiment tous morts, ou d’autres aussi comme
Ferreri ou Scorsese. Par la suite, Carax m’a dit m’avoir embauché
parce qu’il n’y avait pas affiché «CINEMA » sur mon front.
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Objectif Cinéma :
Que vous apporté la pratique
du théâtre ?
Michel Vandestien :
Le travail sur le texte, le travail avec les comédiens.
Le décor au théâtre, dans le cas du décor à l’italienne,
est une boîte noire qu’il faut allumer. Au cinéma c’est
le contraire, il faut éteindre. Souvent, on trouve les séquences
de nuit plus intéressantes, la réalité s’ordonne, comme
dans le noir et blanc.
J’allais dans les cages de scène, j’allumais mon briquet.
La peur. Qu’est-ce que je vais faire là dedans ? Comment
avancer dans cette boîte noire ? Quand Tchékhov écrit
« Il y a de la brume sur le lac », on n’est pas
au cinéma, il n’y a pas de lac. On doit traduire, magnifier
cette phrase avec des éléments qui ne peuvent pas être naturalistes.
Et c’est là où on revient au texte, aux trois mois de lecture
autour d’une table, aux répétitions avec les comédiens.
Objectif Cinéma :
Peu de décorateurs passent du théâtre au cinéma.
Michel Vandestien :
C’est vrai. J’ai fait deux ou trois films que je n’aimais
pas du tout, en tant que chef décorateur - je disais que
j’étais chef décorateur. C’est quoi prendre une feuille
et mettre de la peinture ? Il faut aller au-delà. J’ai
toujours abordé un film en me demandant : qu’est-ce
que ce scénario me demande par rapport à l’acteur, à la
progression dramaturgique ?
Disons qu’il y a deux façons de faire des décors de film.
Soit un personnage est issu d’un milieu, d’une époque, donc
il s’agit de donner du vécu au décor comme aux costumes.
Je parle ici de sens et non de scénographie. Ou alors c’est
plus ludique, le décor est une machine à jouer, plus direct
dans ses espaces, dans sa lumière, et là on est plus proche
du théâtre.