Troisième film de Jia Zhang-Ke, Plaisirs Inconnus
était l’un des temps forts du dernier festival de Cannes.
Plus que la maîtrise – incontestable - de la caméra,
c’est l’évocation de la nouvelle génération
de Chinois, loin des revendications et de tout discours idéologique,
qui frappe par son intelligence et sa poésie. Cinéaste
du quotidien, Jia Zhang-Ke met en balance l’évolution
du pays s’ouvrant au monde avec les difficultés et les
souffrances de ses personnages oubliés de la marche des
réformes. Après Platform en 2000, le metteur
en scène livre sa vision de l’avenir de la Chine sans
grand rapport avec les cinéastes du discours officiel,
critiquant tour à tour le pouvoir autocratique et la
nouvelle société de consommation, Plaisirs
Inconnus est surtout une œuvre d’une beauté saisissante.
Jia Zhang-Ke réalise ici un film qu’il est indispensable
de voir pour appréhender ce qui, aujourd’hui, fait réellement
le cinéma chinois.
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Objectif Cinéma
: Contrairement à ce
que font actuellement bon nombre de réalisateurs de
la " 5ème génération ",
vos films s’attachent aux gestes du quotidien, ce qui nous
a fait penser à L’Orphelin d’Anyang de Wang
Chao, vous sentez-vous proche de cette façon de faire
du cinéma ?
Jia Zhang-Ke
: Wang Chao et moi sommes intéressés par les
mêmes thèmes, comme la société
chinoise actuelle. Contrairement aux cinéastes de la
" 5ème génération "
qui sont plus intéressés par l’histoire, le
pays, la tradition, Wang Chao et moi sommes plus portés
sur l’individu.
Objectif Cinéma
: Que pensez-vous des productions
actuelles issues de la " 5ème génération ",
comme Zhang Ymou, Tian Zhuang ?
Jia Zhang-Ke
: J’ai envie de diviser en deux périodes différentes,
avant le milieu des années 90 un réalisateur
comme Zhang Ymou avait un esprit très créatif,
il parvenait à filmer les sentiments qui animaient
les chinois, après cette période il a rapidement
versé dans une veine beaucoup plus commerciale, et
s’est éloigné de la réalité chinoise.
Je trouve cela dommage.
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Objectif Cinéma
: Comment considérez-vous
le fait de vous situer en dehors du circuit cinématographique
chinois traditionnel ?
Jia Zhang-Ke :
Le fait de travailler dans le circuit officiel n’est pas un
problème en tant que tel… Le problème, c’est
de rendre compte de la réalité chinoise quand
on appartient au circuit officiel, là on ne peut bénéficier
de la liberté d’expression et de création que
tout réalisateur est en droit de revendiquer. Malgré
les difficultés et les pressions, je suis bien plus
heureux, et bien plus libre, en tant que réalisateur
situé en dehors du circuit traditionnel, et en tant
que cinéaste indépendant.
Objectif Cinéma
: Votre film sera-t-il projeté
en Chine ? Jusqu’à récemment il n’en était
pas question…
Jia Zhang-Ke :
Savoir quand cela arrivera, à quelle occasion, je ne
sais pas… La situation actuelle du cinéma chinois me
rend un peu pessimiste pour l’instant, je suis persuadé
que mes trois films devraient pouvoir être vus en Chine
sans problème… En ce qui concerne la littérature,
le théâtre ou la musique, les gens bénéficient
d’une liberté d’expression de plus en plus grande,
alors que le cinéma, lui, reste encore sous la coupe
d’un certain conservatisme, mais je crois qu’un jour ou l’autre
ça arrivera… mais c’est vrai, quand j’y pense… il y
a quelques années de ça je me disais que le
situation allait changer, mais en réalité, cinq
ans après, rien n’a bougé.
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