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Jia Zhang-Ke (c) D.R. JIA ZHANG-KE
Réalisateur
Entretien réalisé à Paris
Par Jean-Michel WINGERTSMANN
& Frank CARANETTI, le 21 janvier 2003
Traduction : Pascale WEI GUINOT


Troisième film de Jia Zhang-Ke, Plaisirs Inconnus était l’un des temps forts du dernier festival de Cannes. Plus que la maîtrise – incontestable - de la caméra, c’est l’évocation de la nouvelle génération de Chinois, loin des revendications et de tout discours idéologique, qui frappe par son intelligence et sa poésie. Cinéaste du quotidien, Jia Zhang-Ke met en balance l’évolution du pays s’ouvrant au monde avec les difficultés et les souffrances de ses personnages oubliés de la marche des réformes. Après Platform en 2000, le metteur en scène livre sa vision de l’avenir de la Chine sans grand rapport avec les cinéastes du discours officiel, critiquant tour à tour le pouvoir autocratique et la nouvelle société de consommation, Plaisirs Inconnus est surtout une œuvre d’une beauté saisissante. Jia Zhang-Ke réalise ici un film qu’il est indispensable de voir pour appréhender ce qui, aujourd’hui, fait réellement le cinéma chinois.


  Zhang Ymou (c) D.R.

Objectif Cinéma : Contrairement à ce que font actuellement bon nombre de réalisateurs de la " 5ème génération ", vos films s’attachent aux gestes du quotidien, ce qui nous a fait penser à L’Orphelin d’Anyang de Wang Chao, vous sentez-vous proche de cette façon de faire du cinéma ?

Jia Zhang-Ke : Wang Chao et moi sommes intéressés par les mêmes thèmes, comme la société chinoise actuelle. Contrairement aux cinéastes de la " 5ème génération " qui sont plus intéressés par l’histoire, le pays, la tradition, Wang Chao et moi sommes plus portés sur l’individu.


Objectif Cinéma : Que pensez-vous des productions actuelles issues de la " 5ème génération ", comme Zhang Ymou, Tian Zhuang ?

Jia Zhang-Ke : J’ai envie de diviser en deux périodes différentes, avant le milieu des années 90 un réalisateur comme Zhang Ymou avait un esprit très créatif, il parvenait à filmer les sentiments qui animaient les chinois, après cette période il a rapidement versé dans une veine beaucoup plus commerciale, et s’est éloigné de la réalité chinoise. Je trouve cela dommage.

Jia Zhang-Ke (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment considérez-vous le fait de vous situer en dehors du circuit cinématographique chinois traditionnel ?

Jia Zhang-Ke : Le fait de travailler dans le circuit officiel n’est pas un problème en tant que tel… Le problème, c’est de rendre compte de la réalité chinoise quand on appartient au circuit officiel, là on ne peut bénéficier de la liberté d’expression et de création que tout réalisateur est en droit de revendiquer. Malgré les difficultés et les pressions, je suis bien plus heureux, et bien plus libre, en tant que réalisateur situé en dehors du circuit traditionnel, et en tant que cinéaste indépendant.


Objectif Cinéma : Votre film sera-t-il projeté en Chine ? Jusqu’à récemment il n’en était pas question…

Jia Zhang-Ke : Savoir quand cela arrivera, à quelle occasion, je ne sais pas… La situation actuelle du cinéma chinois me rend un peu pessimiste pour l’instant, je suis persuadé que mes trois films devraient pouvoir être vus en Chine sans problème… En ce qui concerne la littérature, le théâtre ou la musique, les gens bénéficient d’une liberté d’expression de plus en plus grande, alors que le cinéma, lui, reste encore sous la coupe d’un certain conservatisme, mais je crois qu’un jour ou l’autre ça arrivera… mais c’est vrai, quand j’y pense… il y a quelques années de ça je me disais que le situation allait changer, mais en réalité, cinq ans après, rien n’a bougé.