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Objectif Cinéma :
En prenant le rôle du photographe / stalker, vous êtes
celui qui dirige la vie des personnages dans le film. Vous
êtes aussi le réalisateur du film. Pouvez-vous
parler du lien entre votre personnage et votre travail de
réalisateur ?
Shinya Tsukamoto
: En effet, vous avez raison. Je ne pouvais pas être
dans cette position en tenant le rôle du mari. Dans
celui du photographe, je dirigeais le récit d'une part,
puisque je disais quoi faire au mari et à la femme,
mais je voyais aussi mes acteurs et mon équipe à
l’œuvre. C'était une position idéale !
Objectif Cinéma
: Votre personnage est aussi
comme un " ange ", il libère ce
couple de ses frustrations : la femme qui n'est pas satisfaite
sexuellement et le mari qui a peur de la saleté, des
choses du corps. Est-ce aussi une manière pour vous
de vous éloigner de ces thèmes que nous avons
vu dans vos films ?
Shinya Tsukamoto
: Mon personnage est entre l'ange et le démon, mais
au début du film, il est près de la mort. Il
" ressuscite " grâce à la
voix de cette femme qui travaille pour les services " s.o.s.
suicide ". Alors qu'il est rongé par le cancer,
mon personnage renaît, et du coup, en vient presque
à se prendre pour un dieu. De toute évidence,
il devient omniprésent dans la vie de cette femme.
Cependant, je crois que cette liberté dont vous parlez
était déjà là dans Tetsuo,
ou nous voyons un autre personnage de salaryman qui s'affranchit,
lui aussi physiquement. Disons que c'est plus douloureux dans
Tetsuo. Mais on voit néanmoins dans ces deux
films, Tetsuo & Snake of June, les corps
pénétrés par des objets.
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Objectif Cinéma :
Cette liberté du couple doit passer une fois de plus,
comme dans vos autres films, par la violence, la tension.
En voyant votre personnage humilier et frapper le mari dans
cette ruelle, je pensais a la scène du viol de Monica
Bellucci dans Irréversible, le film de Gaspar
Noé. Votre personnage a tout de même quelque
chose de cruel, sadique. Est-ce le prix que doit payer ces
couples bourgeois à Tokyo pour retrouver une connection
entre eux ? J'ai trouvé que la scène finale,
entre ce couple un peu banal, était tout de même
amusante, accompagnée de cette musique qui les enveloppe
pendant qu'ils font enfin l'amour.
Shinya Tsukamoto
: (rires) Je crois, comme vous le suggérez,
qu'il y a un prix à payer pour retrouver cette passion,
et que cela touche à l'épiderme. Une ville comme
Tokyo peut vous faire oublier cela, le contact, la peau, toucher.
Nous parlions plus tôt de son image de ville froide.
Je pense donc que revenir à la peau, au contact physique
troublant, choquant, devient quasi-nécessaire pour
que la relation puisse avoir une chance de redémarrer.
Je n'ai pas encore vu Irréversible, mais vous
savez sûrement que j'aime beaucoup Gaspar Noé.
Vous avez apprécié ce film ?
Objectif Cinéma
: Oui, beaucoup.
Shinya Tsukamoto :
Ca fait peur ? J'ai trouvé que Carne et Seul
contre tous étaient des films forts, presque choquants.
Irréversible vous a choqué ?
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Objectif Cinéma
: Il y a une grande douceur
dans ce film, mais la presse a focalisé sur deux
séquences qui contiennent des passages difficiles.
L'une autour du viol de Monica Bellucci, et celle de la
vengeance de Vincent Cassel.
Shinya Tsukamoto
: (rires)... Oui, continuez ! Non ! non, arrêtez,
je veux découvrir le film sans savoir trop de choses.
Objectif Cinéma
: Dans vos films, on retrouve
souvent un lien entre deux personnages masculins, des frères
ennemis, des adversaires, etc. Quel est le lien entre vous
et le mari ?
Shinya Tsukamoto
: Toujours un peu cette relation de grand frère,
celui qui tente d'enseigner, de transmettre quelque chose
à l'autre. Ici, mon personnage de photographe tente
d'enseigner au mari comment retrouver le goût de la
vie, et la vie, on le sait, c'est cette femme qui se trouve
entre eux.