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Objectif
Cinéma : Vous aviez
une image précise de ce que serait le personnage, en
avez-vous longuement discuté avec lui, ou M.Fuji a-t-il
donné de lui-même la direction à ce père
?
Kyoshi Kurosawa : En fait,
Tatsuya Fuji m'a posé quelques questions pour tenter
de cerner ce personnage, et j'ai tenté de répondre
de mon mieux. Puis je le lui ai laissé. Ce personnage
a pris forme grâce à lui et j'aimerais beaucoup
entendre ce qu'il a fait pour y arriver !
Tatsuya Fuji : Je crois que
ce père n'est pas atypique dans la société
japonaise, il n'est peut-être pas le modèle classique,
mais il existe, je connais des hommes comme ca, et j'y ai
mis évidemment des aspects de ma personnalité.
Ce genre de père, c'est celui, complètement
perdu, qui n'a aucune idée de ce qui se passe avec
la génération actuelle, mais qui accepte cette
condition. Un peu comme s'il s'agissait d'une course de relais,
que mon père m'avait passé le bâton et
au moment où je veux le passer à mon fils, il
dit " non, je n'en veux pas de ce bâton, je
vais m'en faire un ". Je crois que c'est quelque
chose qui se produit à travers le monde, ce refus d'accepter
ce qu'une génération souhaite transmettre à
une autre. Dans le contexte Japonais, cette perte des traditions
eut une certaine résonance à une époque,
aujourd'hui ça n'étonne plus personne.
Objectif Cinéma : C'est
un phénomène de rébellion ou de confusion
?
Kyoshi Kurosawa : C'est encore
autre chose, une nécessité de créer,
de produire quelque chose qui leur appartient. C'est très
confus pour nous, et sûrement un peu pour eux, mais
ce que je voulais démontrer, c'est que ce personnage
du père n'a pas du tout les critères pour comprendre
ses fils, celui joué par Asano, qui devient meurtrier,
et son autre fils petit bourgeois qui réclame toujours
du fric. Quant au troisième " fils ",
l'ami d'Asano, joué par Odagiri, le père s'efforce
de créer un lien, mais on voit comment il n'arrive
pas à le maîtriser.
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Objectif
Cinéma : Vos trois acteurs
principaux ont tous néanmoins incarné des " rebelles "
au sein de la société japonaise. On devine malgré
tout ce passage, ce relais dont parlait Tatsuya Fuji.
Kyoshi Kurosawa : Ca me fait
très plaisir que vous l'ayez remarqué. C'est
vrai. Bien que, sur le tournage, il n'y eût aucune mutinerie
! Et pour clore cette image du relais, je comprends au moins
cette volonté de tailler un nouveau bâton. En
tant que réalisateur, c'est que je souhaite faire.
Ne pas m'inscrire dans la continuité d'une tradition
du cinéma japonais, malgré ma cinéphilie.
Objectif Cinéma :
Tourner en vidéo numérique était un autre
moyen pour vous démarquer ? L'expérience vous
a plu ?
Kyoshi Kurosawa : Vous savez,
j'avais déjà travaillé pour la télévision,
sur des feuilletons. Donc je savais déjà un
peu ce que c'était. Mais l'intérêt de
la vidéo numérique, c'est qu'elle demande beaucoup
moins de sources de lumière, et en extérieurs,
c'était essentiel pour nous en raison de la taille
du budget... Quant aux intérieurs, là aussi,
nous n'avions pas d'éclairage cinéma, nous utilisions
les sources sur place. Lorsqu'on tourne en cinéma,
avec un directeur photo, nous devons faire attention aux ombres
des acteurs. Cette fois, pas d'ombres, et celles-ci ont toujours
représenté pour moi la frontière entre
le cinéma et la réalité. La vidéo
numérique éliminait cette frontière entre
les acteurs et l'équipe. Nous avions vraiment l'impression
d'être tous dans la même pièce.
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