UNE
LOGIQUE SUR FOND D’ERRANCE
Critique de cinéma aux Cahiers du Cinéma
dans les années 80, Pascal Bonitzer est aussi le scénariste
de la plupart des films de Jacques Rivette depuis 1984. Il
a signé en tout une quarantaine de scénarios
depuis plus de vingt ans, travaillant aussi avec Ruiz, Téchiné,
Chantal Akerman ou John Lvoff. Petites coupures est
le troisième long-métrage réalisé
par Pascal Bonitzer, après Encore (1996) et
Rien sur Robert (1999).
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Objectif Cinéma :
On a l’impression qu’il y a
un principe tout au long de vos films qui est celui du running
gag, on pense par exemple aux objets transitionnels comme
la bague dans Petites coupures, ou le mot ersatz
qui court tout au long du film dans Encore. Pouvez-vous
nous expliquer ce principe moteur de vos films ?
Pascal Bonitzer :
Les films ont une tonalité de comédie, plus
ou moins accentuée. Le running gag est un procédé
qui en fait partie. Je l’apprécie bien car il permet
de donner une sorte de fil conducteur au parcours, parfois
très erratique, du personnage principal. Il s’égare,
peut prendre des chemins de traverse et puis il est effectivement
toujours ramené d’une certaine façon à
son problème ou à l’histoire par un objet ou
un mot qui le re-fixe dans une continuité. Dans Petites
coupures, la bague joue effectivement un rôle de
faufilage entre plusieurs épisodes, elle passe de doigt
en doigt : cela présente évidemment un
certain sens dans le film, et il y a un certain nombre de
phrases ou de mots qui se répètent et passent
de bouche en bouche aussi d’une certaine façon.
Objectif Cinéma :
Vous dites que cela tient de la comédie mais en même
temps avec les tartes dans Encore ou le revolver dans
Petites coupures, il y a quelque chose de mathématique,
quelque chose de réversible, de logique…
Pascal Bonitzer :
Oui, justement, j’aime bien qu’il y ait une structure, en
fait, une algèbre du parcours des objets, une symétrie,
une géométrie, que ces objets donnent une forme
au récit. Oui, c’est vrai, c’est quelque chose qui
m’importe beaucoup.
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Objectif Cinéma :
Petites coupures
est une variation sur le thème de l’anti-héros,
du personnage ballotté par les évènements.
Pourquoi une telle attirance pour ce genre de personnage ?
Pascal Bonitzer :
La raison risque d’être très personnelle (rires).
Ce qu’on peut dire, c’est que le personnage de Bruno, joué
par Daniel Auteuil, est une variation sur un personnage que
j’ai créé avec mon premier film Encore,
quand il était joué par Jackie Berroyer. Il
y a eu aussi Fabrice Luchini dans Rien sur Robert.
Donc à chaque fois un corps, un physique assez différent
mais une complexion un petit peu semblable : un personnage
agité, instable, en proie à des mouvements contradictoires,
tombant facilement amoureux et passant facilement d’un point
de vue à un autre, subissant des vicissitudes qui le
mettent aux confins du masochisme. Il y a peut-être
une part d’autoportrait dans ce personnage. Pourquoi je suis
attiré ? Je ne suis pas attiré (rires),
c’est comme ça que je le fabrique, c’est comme ça
que je l’ai inventé. À la limite, ça
aurait pu être le même personnage, il aurait pu
s’appeler pareil, il aurait pu être joué par
le même acteur, cela aurait pu se prolonger pour deux
ou trois histoires si j’avais eu un esprit " à
la Truffaut " ; j’aurais pu créer des
mésaventures de ce personnage d’un film à l’autre.
J’ai choisi de ne pas le faire car j’avais envie de changer
de climats, de registres et tout simplement de comédiens
d’un film à l’autre. Donc ce sont des variations sur
un même personnage…
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