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Pascal Bonitzer (c) D.R. PASCAL BONITZER
Réalisateur
Entretien réalisé à Paris en Janvier 2003
Par Laetitia HEURTEAU et Gilles LYON-CAEN


UNE LOGIQUE SUR FOND D’ERRANCE

Critique de cinéma aux Cahiers du Cinéma dans les années 80, Pascal Bonitzer est aussi le scénariste de la plupart des films de Jacques Rivette depuis 1984. Il a signé en tout une quarantaine de scénarios depuis plus de vingt ans, travaillant aussi avec Ruiz, Téchiné, Chantal Akerman ou John Lvoff. Petites coupures est le troisième long-métrage réalisé par Pascal Bonitzer, après Encore (1996) et Rien sur Robert (1999).



  Petites Coupures (c) D.R.

Objectif Cinéma : On a l’impression qu’il y a un principe tout au long de vos films qui est celui du running gag, on pense par exemple aux objets transitionnels comme la bague dans Petites coupures, ou le mot ersatz qui court tout au long du film dans Encore. Pouvez-vous nous expliquer ce principe moteur de vos films ?

Pascal Bonitzer : Les films ont une tonalité de comédie, plus ou moins accentuée. Le running gag est un procédé qui en fait partie. Je l’apprécie bien car il permet de donner une sorte de fil conducteur au parcours, parfois très erratique, du personnage principal. Il s’égare, peut prendre des chemins de traverse et puis il est effectivement toujours ramené d’une certaine façon à son problème ou à l’histoire par un objet ou un mot qui le re-fixe dans une continuité. Dans Petites coupures, la bague joue effectivement un rôle de faufilage entre plusieurs épisodes, elle passe de doigt en doigt : cela présente évidemment un certain sens dans le film, et il y a un certain nombre de phrases ou de mots qui se répètent et passent de bouche en bouche aussi d’une certaine façon.


Objectif Cinéma : Vous dites que cela tient de la comédie mais en même temps avec les tartes dans Encore ou le revolver dans Petites coupures, il y a quelque chose de mathématique, quelque chose de réversible, de logique…

Pascal Bonitzer : Oui, justement, j’aime bien qu’il y ait une structure, en fait, une algèbre du parcours des objets, une symétrie, une géométrie, que ces objets donnent une forme au récit. Oui, c’est vrai, c’est quelque chose qui m’importe beaucoup.


Rien sur Robert (c) D.R.

Objectif Cinéma : Petites coupures est une variation sur le thème de l’anti-héros, du personnage ballotté par les évènements. Pourquoi une telle attirance pour ce genre de personnage ?

Pascal Bonitzer : La raison risque d’être très personnelle (rires). Ce qu’on peut dire, c’est que le personnage de Bruno, joué par Daniel Auteuil, est une variation sur un personnage que j’ai créé avec mon premier film Encore, quand il était joué par Jackie Berroyer. Il y a eu aussi Fabrice Luchini dans Rien sur Robert. Donc à chaque fois un corps, un physique assez différent mais une complexion un petit peu semblable : un personnage agité, instable, en proie à des mouvements contradictoires, tombant facilement amoureux et passant facilement d’un point de vue à un autre, subissant des vicissitudes qui le mettent aux confins du masochisme. Il y a peut-être une part d’autoportrait dans ce personnage. Pourquoi je suis attiré ? Je ne suis pas attiré (rires), c’est comme ça que je le fabrique, c’est comme ça que je l’ai inventé. À la limite, ça aurait pu être le même personnage, il aurait pu s’appeler pareil, il aurait pu être joué par le même acteur, cela aurait pu se prolonger pour deux ou trois histoires si j’avais eu un esprit " à la Truffaut " ; j’aurais pu créer des mésaventures de ce personnage d’un film à l’autre. J’ai choisi de ne pas le faire car j’avais envie de changer de climats, de registres et tout simplement de comédiens d’un film à l’autre. Donc ce sont des variations sur un même personnage…