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Objectif Cinéma : Les personnages forts dans Petites coupures sont essentiellement féminins. Qu’est-ce qui vous fascine dans l’écriture du personnage féminin ?

Pascal Bonitzer : Une femme pour un homme, c’est toujours une énigme, une aventure, la promesse d’une histoire, et quelques fois de sombres déconvenues (rires)… Il y a autant de différences qu’il y a de femmes dans mes films et à chaque fois, c’est un plaisir de créer un personnage nouveau. Là je les ai multipliés dans le dernier, puisqu’il y a cinq ou six femmes qui jouent dans le film à des niveaux d’importance différents bien sûr. Mais j’ai essayé de les multiplier au maximum en essayant de garder la lisibilité du parcours du personnage et du film. J’ai été aussi loin que possible dans cette voie.


  Petites Coupures (c) D.R.

Objectif Cinéma : Et comment faites-vous justement pour trouver la mesure par rapport aux personnages féminins ; que cela soit une " supposée idiote " comme vous dites dans le dossier de presse pour le personnage de Ludivine Sagnier, ou celui de Kristin Scott Thomas, une bourgeoise qui tient un discours critique…

Pascal Bonitzer : Une bourgeoise un peu étrange… En fait, la sociologie ne m’intéresse pas. Je ne décrypte pas des personnages en fonction de ce qu’ils représentent socialement ou sociologiquement mais je tiens en même temps à ce qu’ils aient des caractéristiques psychologiques et sociales repérables, qu’ils soient autant que possibles réalistes. Mais je n’aime pas du tout les personnages qui représentent une classe sociale.


Objectif Cinéma : Nous avons remarqué qu’il y avait un changement de traitement (dans la relation tenue entre personnage et classe sociale) entre le personnage d’Olga dans Encore, plus grotesque dans les traits, et son envers dans Petites coupures : il y a comme une sorte de recul, au vu de la beauté glacée de Kristin Scott Thomas…

Pascal Bonitzer : Les deux personnages sont très différents aussi… Olga, qui était jouée par Eva Ionesco, était effectivement un personnage comique, mais c’est aussi parce que le film jouait d’avantage sur le registre de la comédie. Celui-là oscille peut-être plus, comme pour Encore et Rien sur Robert, entre la comédie et le drame. J’ai voulu justement un état d’équilibre instable dans le récit, qui fait qu’on ne sait pas de quel côté le récit va basculer, du côté du vaudeville ou du côté du drame. Il y a une part de vaudeville, une part de comédie, et aussi une dimension dramatique, une atmosphère un peu sombre et même à la limite du fantastique. Je l’ai voulu comme ça, c’est pour cela que je fais partir mon personnage qui est, comme toujours, parisien à l’origine, vers les montagnes, la forêt et l’inconnu.


Encore (c) D.R.

Objectif Cinéma : Justement le point de départ pour le film, la scène de la forêt, c’est un peu la matrice du film, son fil rouge. Vous parlez de Dante (dossier de presse), est-ce que vous pouvez nous expliquer ce point de départ… L’homme au milieu du chemin dans la forêt…

Pascal Bonitzer : Disons que le personnage que je décris (j’ai parlé de variations sur un personnage au milieu du chemin de sa vie, dans la crise du milieu de la vie, thème classique) est un homme d’âge mur qui se remet en question dans ces choix de vie et ses choix sentimentaux. J’ai pensé partir tout simplement des trois premiers vers de La Divine Comédie : " Au milieu du chemin de notre vie, je me trouvais dans une forêt obscure car j’avais perdu la voix droite. " C’était mon point de départ, très arbitrairement. J’ai pensé donc à la forêt, littéralement, c’est-à-dire essayer de l’incarner littéralement : dans le poème de Dante, c’est aussi une forêt réelle, même si elle est allégorique. Dans mon film, c’est aussi une forêt réelle bien qu’elle soit aussi d’une certaine façon métaphorique ou symbolique…


Objectif Cinéma : Il y a toujours au milieu de vos films une trouée, ou un départ dans la forêt, dans la nature. Le film se scinde en lui-même…

Pascal Bonitzer : Oui, c’est vrai. Dans Encore, au milieu du film, le personnage se retrouvait à la mer comme ça, de façon très brutale. Dans mon deuxième film, je faisais partir Fabrice Luchini à la montagne. Là on retrouve la montagne, mais c’est surtout la forêt. Au milieu du film, il se trouve donc dans une forêt très obscure, il est tombé en panne et doit la traverser à pied comme le héros de conte de fées, comme dans La Belle au Bois dormant...

J’avais un petit peu envie de cette atmosphère de féerie ou de fantastique, dans une histoire par ailleurs assez prosaïque.