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Objectif Cinéma :
Dans le parcours du personnage,
deux scènes semblent se regarder : la scène
du baiser avec Kristin Scott Thomas devant Notre Dame de La
Salette où l’espace semble s’ouvrir devant eux, et
la scène finale qui est finalement assez ouverte…
Pascal Bonitzer :
Vous parlez de la scène de la montagne, à Notre
Dame de la Salette où ils s’étreignent et s’embrassent
et l’épilogue où, au contraire, ils se séparent
sur une poignée de mains. C’est une opposition.
Objectif Cinéma :
Le film cultive le mystère,
le non-dit (y compris dans la scène finale) :
n’est-ce pas aussi un moyen de perdre encore plus le personnage
interprété par Daniel Auteuil ?
Pascal Bonitzer
: A la fin, il dit qu’il s’est retrouvé, justement.
Je ne sais pas si c’est vrai. En fait, je fais arriver d’une
certaine façon mon personnage jusqu’à la mort.
Dans le même temps, je n’avais pas envie qu’il meurt.
D’abord, je n’aime pas les fins qui se terminent dans un cul-de-sac,
sans issue, trop désespérées. Je ne voulais
surtout pas rester avec la flaque de sang dans la neige, bien
que plusieurs personnes m’aient incité à le
faire. Il fallait donc un épilogue, un rebondissement
nécessaire. De la même façon, au milieu
du film, on peut croire qu’ils subissent un accident, mais
ce ne sont pas eux qui sont accidentés. Là,
on pourrait croire qu’il est mort, alors qu’un autre est mort
à sa place. Je ne dis pas qui mais c’est assez facile
à deviner.
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Objectif Cinéma :
On a l’impression que les personnages,
comme le film, se prennent finalement en dérision.
Dans ce virage final, ils prennent plus de recul sur eux-mêmes.
Au niveau du langage aussi… Comment s’est passé cette
autodérision des personnages ?
Pascal Bonitzer
: C’est un trait du personnage de Daniel Auteuil de se sentir
constamment sous le regard de l’autre, et donc de s’observer
lui-même à travers le regard de l’autre :
c’est quelque chose qui revient souvent dans son dialogue
avec Béatrice (Kristin Scott-Thomas). Il lui dit :
" Je sais que je vous dégoûte. Vous
me faites chier ". Les personnages sont comme ça :
ils s’observent, se savent observés, et ils ont un
penchant pour l’autocritique. D’ailleurs, Béatrice
elle-même a une sorte de complaisance à dire :
" Je ne suis rien, je ne sais rien faire, je suis
une pauvre chose. On voit qu’elle est un petit peu différente
de ce qu’elle dit mais j’aime bien que les personnages se
définissent ou commencent à se définir
comme ça. Cela fait partie de leur étrangeté,
de traits psychologiques qui servent à leur donner
une couleur, une musique particulière.
Objectif Cinéma :
Est-ce que le moteur du personnage
ne deviendrait pas finalement le moteur du film même ?
Pascal Bonitzer
: C’est possible. On retrouve effectivement dans la dernière
partie du film une scène, avant l’épilogue,
entre Béatrice et Bruno. Elle prend en charge d’une
certaine façon la question du film en lui disant :
" Nous ne sommes pas dans un drame mais plutôt
dans un vaudeville " alors que lui essaye de lui
dire qu’ils sont en plein dans un drame (rires). Il
dit : " Pensez à ce film, à la
fin il y a un homme assis sur un banc, qui pleure, et la femme
lui pose la main sur la nuque en signe de pardon ".
Le film en question existe : c’est L’Avventura d’Antonioni.
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