Objectif Cinéma :
David Nebreda est un artiste espagnol
contemporain dont l’œuvre photographique en autoportraits présente
l’évolution de son corps meurtri, souillé, parfois automutilé.
Y a-t-il selon vous une limite dans la représentation du corps
en art ?
Marine de Van : Je
n’en sais rien pour l’art en général. Il ne me semble pas qu’il
y en ait de particulières. Mais il y en a beaucoup au cinéma,
où l’on s’adresse à un grand public et où les enjeux financiers
rendent difficile la mise à l’écart de cette donnée. Le public
de cinéma est moins tolérant, soit du fait de son nombre et
de sa recherche de divertissement, soit du fait de la forte
participation émotive qu’induit le suivi d’un film, aux images
surprenantes ou brutales que le public des arts plastiques,
je suppose.
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Objectif Cinéma :
Trouble everyday de Claire
Denis est un film qui traite en partie de l’anthropophagie.
Vos deux films respectifs mettent en scène un personnage central
féminin. De manière générale, le sang et le rapport au corps
au cinéma serait-il mieux compris par les femmes ?
Marine de Van : Je
ne vois pas pourquoi. Il y a certainement une différence dans
le rapport au corps et au sang selon les sexes, mais il y
en a certainement entre les cinéastes et les différentes femmes.
Je ne trouve pas beaucoup de proximité entre mon film et
Trouble everyday.
Objectif Cinéma : Bien
que les thèmes de Trouble everyday divergent, les scènes
d’anthropophagie ont-elles, à l’époque, orienté ou modifié
le cours de votre projet ?
Marine de Van : Non.
Mon projet était déjà écrit et nous cherchions l’argent. Je
ne l’ai pas reconsidéré à la suite de la vision du film, notamment
parce qu’il ne me semblait pas proche de mon propre sujet
et que le fait de manger de la chair y est une pratique érotique
relationnelle, née d’une maladie virale exacerbant l’appétit
sexuel, pour autrui. C’est une problématique différente de
la mienne.
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Objectif Cinéma :
Le risque de certaines scènes
très sanglantes est de rendre votre personnage non crédible.
Qui, de l’équipe, fixe ou repousse les limites esthétiques
et scéniques des scènes d’automutilation ? Le travail
de montage a-t-il été l’occasion de vous autocensurer ?
Marine de Van : C’est
moi qui décide de la manière dont les choses doivent être
filmées. Et je n’ai pas eu à m’autocensurer. Le travail
de limitation s’est effectué dans mon esprit en amont, lors
de ma conception du découpage. Ce découpage a ensuite fonctionné
comme je l’avais conçu, sans « surprise » devant
une violence que j’avais déjà estimée et limitée auparavant.
Par ailleurs, je ne sais pas si le risque était celui de
la non-crédibilité du personnage. Cette question ne m’a
jamais traversé l’esprit ; d’autant moins que le personnage
ne s’attaque pas en profondeur, mais se maintient dans des
proportions « modestes », épidermiques.
Objectif Cinéma :
Le mixage de Dans ma peau est remarquable. Il empêche
par-dessus tout le spectateur d’échapper à l’effroi provoqué
par les images. Vous avez travaillé avec trois techniciens
au son, Jérôme Aghion, Jérôme Wiciak et le « césarisé »
Cyril Holtz. Quelles étaient vos exigences pour la bande
sonore ?
Marine de Van : Il
est difficile de vous faire la liste de mes désirs, pour
le son. Le travail s’est fait progressivement et les idées
sont venues peu à peu. Ces idées et ces désirs correspondent
à ce que vous avez entendu. Sur le tournage, mon seul désir
était d’avoir de bons directs. C’est ensuite que la mise
en scène sonore a pu se complexifier. Les trois techniciens
que vous citez ont travaillé successivement, chacun n’ayant
pas le même travail dans le domaine du son, puisque l’un
travaille sur le plateau, le second au montage, et le troisième
au mixage. Ce n’était pas une équipe travaillant ensemble
sur le film dans l’ensemble de la durée. Chacun a une fonction
bien spécifique, que tous trois défendent talentueusement.