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Objectif Cinéma :
Vous sortez de la période de
promotion de Dans ma peau : que retenez-vous de la
présentation du film lors de votre tournée en France ?
Marine de Van : Une
« tournée » en France, c’est un bien grand mot. Je suis allée
dans trois ou quatre villes. J’ai trouvé que le public accueillait
chaleureusement mon film et avec intérêt, même si beaucoup
de gens n’ont pas surmonté la réticence qu’ils éprouvaient
a priori à l’égard du sujet, et n’ont donc pas voulu aller
le voir.
Objectif Cinéma : Quelles
ont été les réactions les plus extrêmes des spectateurs ?
Que leur avez-vous répondu ?
Marine de Van : Je
n’ai pas assisté à des réactions extrêmes de la part des spectateurs,
à part des pleurs quelquefois, mais ce n’était pas extrême
car cela ne s’accompagnait d’aucun jugement tranché sur le
film ni d’aucun rejet. Je n’ai pas été en butte à de l’agressivité.
J’aurais sans doute répondu aux questions les plus incisives,
si elles avaient été posées, dans la mesure où il aurait été
possible d’y répondre.
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Objectif Cinéma :
La scène du restaurant est l’une des
plus captivantes et des plus complexes du film. Sa durée nous
plonge aux côtés d’Esther dans les complications entraînées
par sa pathologie puis, progressivement, bascule dans la vision
subjective de son traumatisme : comment avez-vous pensé
et travaillé le découpage de cette scène ? A-t-elle été
difficile à monter ?
Marine de Van : Cette
scène a été très bien montée par Mike Fromentin. Je ne me
souviens pas de difficultés particulières car elles fonctionnaient.
Pour le découpage, je suis allée au plus simple et c’est un
découpage assez classique, composé de plans rapprochés dont
la valeur croît. J’ai travaillé dans un souci d’économie de
plan, en allant vers l’efficacité et la sobriété. J’ai photographié
la scène, avec des doublures, lors de ma préparation, pour
expliquer mes intentions de cadrages et le traitement du bras
coupé, son mode d’apparition et son allure.
Objectif Cinéma :
Esther souffre de pulsions d’automutilation parfois incontrôlables,
son visage grimace et son corps entier réagit de façon convulsive.
Son impression de plaisir mêlé de douleur est-elle semblable
à une jouissance sexuelle ?
Marine de Van : Personnellement,
je ne vois pas de convulsivité dans les attitudes du corps
d’Esther dont la tranquillité, compte tenu de la douleur infligée,
me paraît au contraire assez grande. Son impression de plaisir
est très certainement sensuelle, donc sexuelle de façon primaire,
mais je ne la comparerais pas à un pic nerveux, orgastique,
comme celui que vous semblez suggérer. L’action est longue.
Le plaisir est ambigu et constant, sans progression, comme
dans l’accumulation puis la libération de l’excitation sexuelle.
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Objectif Cinéma :
Votre personnage met en scène et photographie
son travail d’automutilation telle une œuvre d’art. Esther
se regarde avec insistance dans un grand miroir et en arrive
alors au comble de la fascination pour son corps. Dans vos
entretiens, vous refusez de lui trouver des penchants narcissiques.
Peut-on dire que vous avez de la compassion et de la compréhension
pour ce personnage blessé ?
Marine de Van : Je
n’ai jamais refusé de trouver des penchants narcissiques à
mon personnage. Le narcissisme est le sujet de mon film et
le problème de mon personnage. Il est difficile de penser
autrement. De même, quand elle se photographie, c’est davantage
dans l’impulsion d’une quête narcissique, de se voir ou de
valider sa présence, que dans l’idée, même vague, d’un dispositif
artistique ; cette ambition est étrangère à Esther. Je
comprends tout à fait le personnage d’Esther, puisqu’il est
né de mes propres pulsions et de mes propres angoisses. Je
ne me suis pas posé la question de la compassion car je n’ai
pas regardé le personnage à cette distance, mais je ne vois
rien qui empêche d’en éprouver. En tout cas, cette question
de compassion ou de compréhension ne dépend aucunement pour
moi de la question de savoir en quoi et comment mon personnage
est narcissique.
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