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Objectif
Cinéma : Vous êtes photographe
de plateau : comment vous est venu le désir de passer
à la réalisation.
Jean-Claude Moireau : Non,
si je veux être honnête, je dirais que je suis venu à la photographie
de plateau par mon goût pour le cinéma et non pour la photo
elle-même. Ce fut ma manière d'intégrer les équipes de films,
mais j'avais déjà commencé à écrire des scénarii. Cela dit,
le fait de fréquenter les tournages m'a effectivement beaucoup
appris, d'autant plus que mon poste est celui d'un observateur.
Il y a un certain nombre de projets, dont Signe d'hiver,
que j'envisageais depuis de nombreuses années, mais je pense
que je n'étais pas prêt, donc je ne peux pas regretter de
ne pas avoir tourné plus tôt car je me serais sans doute moins
bien entouré et le résultat aurait été moins réussi, il me
semble.
Objectif Cinéma : Vous
êtes-vous inspiré du style des réalisateurs avec qui vous
avez travaillé ? Je pense notamment à François Ozon que vous
avez suivi sur tous ses longs métrages et avec lequel on ressent
une certaine parenté.
Jean-Claude Moireau : Ah bon
? On a pourtant des univers si différents ! Non, les films
de cinéastes comme Antonioni et Rohmer, mais aussi Tanner
ou Ferreri m'ont donné envie de faire du cinéma. C'est avant
tout un héritage cinéphilique, en tout cas pas le désir conscient
de faire comme un tel ou tel autre.
Ce que je voulais dès le départ, c'était filmer avec simplicité,
(c'est peut-être là que voyez une parenté avec Ozon), ne pas
m'encombrer d'effets inutiles, comme on le voit beaucoup trop
maintenant.
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Objectif
Cinéma : Pour
un film de photographe, on pouvait s'attendre à quelque chose
de plus esthétisant, alors que là, j'ai l'impression que vous
vous êtes plus préoccupé de la psychologie des personnages.
Jean-Claude Moireau : Je dirais
des acteurs : c'est le matériau le plus beau, le plus riche,
le plus noble qu'on puisse imaginer. Quand on a des êtres
sensibles que l’on aime à disposition, prêts à donner, ce
serait dommage de ne pas s'en servir. Aussi bien au moment
du tournage que du montage, j'ai choisi des moments de la
vérité des êtres, de leur beauté intérieure. Je crois que
c'est ce qui nous a guidés, avec ma monteuse, Camille Cotte.
Au cours de la seule séance de lecture que nous avons eue
avant le tournage, j'ai insisté auprès de Marie Rousseau et
Cyrille Thouvenin sur le fait que les non-dits étaient très
importants : les silences sont essentiels et parfois plus
riches que les dialogues. Ils l'ont bien compris et ont joué
le jeu. Je n'imaginais tout de même pas que certaines personnes
seraient autant touchées par mon film. N'est-ce pas tout simplement
parce qu'à travers l'ambiguïté et le trouble d'une relation,
il laisse place à de l’ « humain » ? Cette
part d'humain qui manque souvent au cinéma d’aujourd'hui,
peut-être parce que le monde dans lequel on vit en manque
lui aussi.
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