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Enrique Colina (c) D.R. ENRIQUE COLINA
Réalisateur

Propos recueillis le 5 mai 2003
et traduits de l'espagnol
Par Alexandre Tylski

Remerciements :
Claire Chatelet et la revue Cadrage



UN REALISATEUR CUBAIN A CANNES

Enrique Colina est un réalisateur cubain, jusque-là habitué aux documentaires, et dont le film Entre deux cyclones / Entre Ciclones (succès record à Cuba), vient d'être sélectionné à la Semaine Internationale de la Critique à Cannes 2003. Entre Ciclones décrit les trajectoires hésitantes d'un jeune homme cherchant un nouvel appartement et une nouvelle vie après le passage d'un cyclone. L'occasion de discuter avec Enrique Colina de ce film et du cinéma cubain.



  Entre Ciclones (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous avez été choisi à la Semaine Internationale de la Critique à Cannes pour votre film Entre Ciclones : qu'est-ce qui, selon vous, a pu séduire la Sélection dans votre film ?

Enrique Colina : Peut-être le caractère populaire et l'authenticité des personnages. D'un autre côté, je crois que l'humour noir de l'histoire, correspondant à un côté sombre de Cuba, peut séduire le public européen qui désire voir une représentation plus nuancée de la réalité sociale de l'île. Ce qui m'intéresse à titre personnel dans cette Sélection, avec tout le respect que je dois au Festival de Cannes, c'est surtout l'opportunité qu'elle représente pour la distribution du film et la perspective de trouver des financements pour mes projets en cours d'écriture. J'espère pouvoir discuter ici de cinémas différents loin du cinéma commercial yankee aux thèmes aliénants et réducteurs. (1)


Objectif Cinéma : Comment vous est venue l'idée de réaliser ce film ?

Enrique Colina :
C'est un projet auquel je pensais depuis les années 90 en pleine crise économique entraînée par la chute de l'Union Soviétique, tout en montrant également comment un cyclone pouvait bouleverser nos modes de vie et de développement. L'économie paralysée, nous avons fini par promouvoir le tourisme, la circulation légale du dollar, les entreprises mixtes, la petite économie privée, etc. S'ensuivit un gouffre entre ceux qui avaient le dollar et ceux qui ne l'avaient pas, menant hélas à une inflation de la marginalisation, du marché noir, de la prostitution, etc. Dans ce contexte, je m'inquiétais de l'avenir de la jeunesse et de leur insertion sociale dans un pays où l'on voulait l'égalité, la justice et l'éthique comme moteurs de perfectionnement pour l'émergence d'un prétendu « homme nouveau », modèle des vertus humanistes. De là, l'envie de réaliser un film sur un jeune anti-héros confronté aux problèmes élémentaires de son existence quotidienne au milieu de cette société précaire et ambiguë. Et la métaphore des cyclones est venue d'un constat : notre destin est de vivre entre deux cyclones, celui qui détruit pour que l'on se reconstruise et celui qui revient nous submerger définitivement.


Tournage de Entre Ciclones (c) D.R.

Objectif Cinéma : Le protagoniste principal de votre film hésite entre l'abandon et l'action, qu'est-ce qui vous séduisait dans ce personnage ?

Enrique Colina : Son absence définitive de détermination et d'objectif général. Grave problème dramatique par ailleurs. Tout protagoniste doit aimer quelqu'un en général. Par contre, quand les gens vivent sans but défini dans la vie, c'est plus dur. Mais moi j'aime les personnages un peu perdus et inarticulés dans leurs propos. La vie les a freiné comme un courant fort dans une rivière. C'est une sorte de provocation dramaturgique, anti-héroïque, qui comprend une grande part d'humanité conforme à l'argile avec laquelle nous voulions travailler. Ce personnage est capable en un instant de réagir comme un géant, mais seulement une seule fois.