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  Entre Ciclones (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quel moment particulier retiendrez-vous du tournage ?

Enrique Colina : Quand nous avons tourné la scène où le toit de la chambre du protagoniste s'effondre. C'est un lieu existant dans la vieille Havane. Là, on a construit une petite chambre avec un plafond spécialement prévu pour s'écrouler. Il devait tomber à un moment précis du dialogue du personnage. Cette logistique a généré une grande tension, car si la prise était ratée, nous aurions dû tout revoir dans le plan de tournage. Sur plusieurs prises, nous attendions que le plafond s'effondre mais il ne tombait pas. Quand finalement il s'est écroulé au bon moment, une explosion de joie de toute l'équipe s’est produite, et j'ai alors senti fort que tous étaient intéressés et motivés par ce film. Il y eut un autre moment sympathique lorsque nous avons demandé à l'acteur de se déshabiller dans une grande avenue de La Havane. Imaginez la réaction des badauds quand ils ont vu ça !


Objectif Cinéma : Quelles ont été les plus grosses difficultés sur l'ensemble de la réalisation de ce film ?

Enrique Colina : J'ai travaillé avec deux écrivains qui m'ont aidé à organiser la dramaturgie, nous avons écrit quatre versions du scénario et pendant la préparation du tournage, nous avons réadapté le scénario avec les interprètes. Six années pour réunir les financements, avec des périodes d'inactivité de trois ans. Le film fut finalement approuvé par la Présidence de la ICAIC et j'ai obtenu fort heureusement des Fonds du Ministère des Affaires Etrangères français ainsi que Canal Plus Espagne, Igeldo Films et Les Films du Village. Le coût final du film approche le million d'Euros.

Tournage de Entre Ciclones (c) D.R.

Entre Ciclones a été entièrement filmé dans la ville de La Havane. Un tournage de huit semaines et demie pendant les mois de mai, juin et juillet 2002. La principale difficulté résidait alors essentiellement dans le grand nombre de lieux que nous avions et le style de la photographie (je voulais une caméra qui n'arrêtait pas de bouger et de participer), sans compter mon inexpérience de travail avec une troupe de production aussi nombreuse.

Il faut aussi respecter l'idéologie propre aux productions cinématographiques nationales. Les tensions naissent alors inévitablement entre l'art et le pouvoir politique. La ICAIC est une institution gouvernementale qui souffre par ailleurs de manque de fonds pour le cinéma cubain. Nous devons donc nous débrouiller pour trouver des fonds internationaux qui, eux, imposent de faire des films critiques et agressifs contre le régime cubain. Nous sommes donc entre deux feux.

Objectif Cinéma : Quel regard portez-vous sur le cinéma cubain aujourd'hui ?

Enrique Colina : Il a besoin d'une secousse esthétique et idéologique et d'une rénovation générale. Nous sommes engourdis dans une vision fermée de notre pays, nous faisons des compromis avec une politique malsaine et réductrice. Il manque dans notre société des films tournés sur les Noirs, sur nos paysans et sur la vie en province... La femme est peut-être un des personnages les plus élaborés dans notre cinéma, mais il faut dépasser la représentation culturelle toujours conçue par une classe moyenne intellectuelle et blanche; nous devons nous dégager de ces images dominantes qui gomment la nature cubaine profonde. Par chance, il n'en va pas de même avec la musique. Mais je suis un intellectuel blanc et je n'échappe peut-être pas non plus à certains clichés. Il faut simplement explorer ce bouillon qu'est notre métissage.