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Philippe Chapuis (c) D.R. PHILIPPE CHAPUIS
Réalisateur
Entretien réalisé
à Paris le 11 avril 2003
Par Bernard PAYEN


Antoine travaille est tout simplement l’un des meilleurs moyen métrages français de ces dernières années. Son auteur, Philippe Chapuis, sorti de la Fémis à la fin des années 90, a su dépasser le cadre étriqué de la fiction naturaliste pour raconter entre rêve et réalité les aventures intérieures d’Antoine, jeune étudiant en lettres classiques devenu provisoirement gardien de nuit dans une grande usine.

Entretien autour d’un film récompensé aux festivals d’Angers et de Brest, distribué en salles par le Groupement National des Cinémas de Recherche et diffusé en avril 2003 sur Arte Cable et Satellite.



  Antoine travaille (c) D.R.

Objectif Cinéma : Quel a été le point de départ d’Antoine travaille ? Il me semble que tout l’enjeu du film se situe entre les premières images, décrivant un site de récupération de matériaux, et les images finales d’un feu d’artifice flou, comme s’il était réduit à une bataille d’atomes. Comment ces images se sont-elles imposées à toi ?

Philippe Chapuis : Je suis parti d’un fait divers qu’une personne m’avait raconté. L’histoire d’un étudiant, gardien de nuit, qui avait plus ou moins vécu ce que vit Antoine. Il découvrait que des gens étaient cachés dans l’usine où il travaillait la nuit… Cela me donnait l’argument d’un film dont le traitement était a priori naturaliste, assez classique. Mais je me suis aperçu dès le début que cela ne m’intéressait pas, il fallait autre chose. Il fallait que le film ait au moins deux fils conducteurs, l’un explicite, narratif, l’autre souterrain, plastique, sonore, etc. La première clé est arrivée avec Lucrèce. Je suis tombé sur ce texte, De Natura Rerum, le passage sur les atomes, et j’ai pensé qu’il pouvait entrer en résonance avec l’usine. Lucrèce fournit une interprétation à la fois matérialiste et poétique du monde, qui pouvait entrer en résonance avec l’univers spatial et matériel de l’usine. Le prologue a une très grande importance dans le film, mais il n’était pas prévu avant que j’aille faire des repérages sur place. J’avais écrit au départ une scène beaucoup plus classique, montrant Antoine au bord de l’eau, en train d’étudier et se rappelant soudain qu’il avait rendez-vous pour son premier jour à l’usine. Cela jouait sur le décalage estival (tout le monde est en vacances sauf lui, qui doit aller travailler).

Antoine travaille (c) D.R.

Au cours des premiers repérages à Tours, je suis tombé sur cette entreprise de récupération de matériaux. Pour moi, il m’a paru alors évident de commencer le film par ce lieu. Antoine travaille parle de la façon dont on traite notre environnement et de la façon dont on traite les gens avec qui l’on est. Que reste-t-il au terme du processus industriel ? Des déchets. Qui sont recyclés, etc. Il y avait un lien avec Lucrèce, ses atomes et sa vision du monde. J’ai donc rajouté dans le nouveau scénario une scène commençant dans cet endroit. Tous les plans d’usine tournés par la suite ont été influencés par les images de ce prologue. C’est dans ce lieu qu’on a trouvé l’idée du travelling, qui revient plus tard dans le film. Un travelling descriptif qui inverse le rapport traditionnel entre l’action et le décor, dans le sens où en général, un travelling ou un mouvement de caméra suit un personnage. Or ce travelling décrit simplement la matière. Trois ou quatre mouvements de caméra de ce type reviennent dans le film. Notamment ce travelling montrant Antoine en train de marcher, sans qu’on sache si c’est lui ou le lieu dans lequel il est qui nous importe le plus.