Propos
recueillis
à Paris, le 29 avril 2003
Par Bernard PAYEN
Photos de David LOMBOURG
Remerciements :
Sybille DURA et Myriam BRU
A ceux qui découvrent
aujourd’hui le talent évident de Grégori Derangère dans son
premier grand rôle au cinéma (Bon voyage de Jean-Paul
Rappeneau), nous rappellerons que ce comédien de 32 ans a
déjà dix ans de carrière derrière lui et une bonne dizaine
de rôles.
Un air de liberté, tourné par Eric Barbier dans le
cadre des Années Lycée pour Arte, révèle sa dégaine
nonchalante et juvénile, son énergie, et une innocence dont
il ne se déparera pas, même dans les contextes cinématographiques
les plus graves comme La chambre des officiers de François
Dupeyron, où il incarne un pilote de chasse défiguré, grand
brûlé de la première guerre mondiale, à l’humeur tour à tour
sombre et légère.
Avant tous ces films et téléfilms plus ou moins bons qui précédèrent
le film de Jean-Paul Rappeneau, et lui permirent de rôder
son personnage drôle et charmeur, Grégori Derangère laissa
échapper sa dimension burlesque et aventureuse dans Anna
Oz (1996) d’Eric Rochant, où il court comme un dératé
dans les couloirs de palais vénitiens avant de manquer de
se noyer dans les canaux de la ville.
Avec Bon voyage, Jean-Paul Rappeneau dirige le jeune
acteur dans cette voie plutôt singulière dans le cinéma français
et redessine les contours d’un nouveau héros de cinéma, celui
qu’on attendait depuis… Jean-Paul Belmondo.
ENTRETIEN
Objectif
Cinéma :Frédéric, le
personnage que tu incarnes dans Bon voyage, constitue
un peu la synthèse des rôles marquants que tu as incarné au
cours des dix dernières années, il réunit l’aspect un peu
charmeur de Xavier dans Un chantage en or ou encore
le côté burlesque et casse-cou de Thomas dans Anna
Oz. Est-ce que tu as perçu cette dimension en lisant le
scénario ?
Gregori Derangère : Non,
je n’y ai pas pensé en le lisant. Jean-Paul Rappeneau, qui
ne me connaissait pas, avait vu La chambre des officiers.
Mon personnage était complètement masqué dans ce film, mais
il a vu dans la dégaine de ce type, une espèce de silhouette
qui devait lui plaire. Quand je suis venu faire des bouts
d’essai, Rappeneau a certainement trouvé en moi un écho de
ce personnage qu’il a imaginé, qui lui ressemble, ressemble
à Modiano et à ces héros de comédie américaine qu’il voulait
aussi retrouver.
Objectif Cinéma :Rappeneau
a donc vu La chambre des officiers : il t’a appelé ensuite
?
Gregori Derangère : Non,
pas du tout… Il m’avait oublié entre-temps ! Pour monter
son projet, il a d’abord vu plusieurs acteurs connus. Un jour,
Frédéric Moison, qui présente souvent des jeunes acteurs à
des réalisateurs, lui a reparlé de moi.
J’avais déjà travaillé avec les producteurs du film (ARP,
ndr) pour La chambre des officiers. Je crois même que
le matin où je l’ai rencontré, Rappeneau avait déjà décidé
qui serait son acteur. J’arrivais l’après-midi comme « le
gars en plus », mais en voyant mon allure, il a vu apparemment
le type qu’il voulait exactement voir…