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  La Puce (c) D.R.

Objectif Cinéma : En rupture avec la première séquence, tous les moments entre eux, et particulièrement les scènes d'amour, sont une succession de plans presque silencieux, sur leurs visages surexposés pourquoi ce parti-pris ?

Emmanuelle Bercot : Je n’aime pas cette première scène. Mais au départ, quand j'ai écrit le scénario, il me paraissait important qu'on la découvre charnellement avec un homme de son âge, pour que le spectateur appréhende la façon dont elle allait se comporter avec l'enfant... Parce que dans la première scène, on la voit assez libre, riant, dans toutes sortes de positions, donc on redoute le moment où elle va se retrouver dans la même situation avec l'adolescent. J'avais donc déjà l'idée de prendre le contre-pied de cette scène dans les moments avec Clément.

D'autre part,  il n' a jamais été question pour moi de filmer les choses de façon crue, très réaliste. Je voulais montrer cette rencontre sexuelle comme je ne l'avais jamais vue au cinéma. La surexposition, c'était pour moi le moyen de passer la frontière et d'accéder à un certain onirisme... Le fait d'avoir seulement le contour des corps à l'image et pas le grain de la peau, de composer les plans par rapport au reste du film permettait de passer dans un ailleurs.


Objectif Cinéma : A ce propos, pour leur première "nuit d'amour", Clément et Marion sont mis en parallèle avec  un film romantique qui passe à la télévision, ça renforce cette atmosphère.  De quel film s'agit-il ?

Emmanuelle Bercot : Pour être très honnête, j'avais juste noté au scénario qu'ils regardaient la télé, je n'avais pas pensé à une scène d'amour, ça me paraissait trop littéral. Il se trouve que par mon distributeur, on a eu accès aux films de Louis Malle. On m'a apporté cette cassette, je n'ai pas cherché plus loin. C'est seulement au tournage où j'ai vu qu'il fallait en jouer. Par exemple, il y a une ouverture de porte dans le film et c'est la femme de chambre qui entre dans la pièce...

Le hasard a permis d'introduire une autre dimension dans une scène qui était assez banale dans le scénario.


La Puce (c) D.R.

Objectif Cinéma : Et tu reprends la musique du film pour la scène du réveil, comme si rien ne s'était passé, comme si tout cela faisait partie d' un film que se "feraient" les personnages...

Emmanuelle Bercot : Oui, effectivement, mais une fois de plus, ce n'était pas réfléchi.


Objectif Cinéma : Vers la fin, le point de vue revient clairement sur Marion, son désespoir, et pas sur Clément ...

Emmanuelle Bercot : On voit quand même clairement le moment où il se détache. On a compris qu'il allait se défaire d'elle sans trop de problèmes, il lui dit qu'il a rencontré quelqu'un d'autre, et on le voit. Par contre, on ne s'attend pas à ce que Marion s'attache et refuse de voir les choses en face. Il faudrait retrouver Clément vingt ans après pour voir si cette histoire l'a marqué! Enfin, entre un personnage qui s'en sort bien et un qui sombre, je vais plutôt choisir celui qui sombre. Ceci dit, le film termine quand même sur lui.


Objectif Cinéma : Ce dernier plan, où Clément lit la lettre que Marion lui a écrite, regarde la caméra puis pose sa main sur l'objectif, évoque un peu le regard caméra de Monika de Bergman. Est-ce volontaire ? 

Emmanuelle Bercot : Non. Quand je l'ai tourné j’y ai ensuite pensé parce que, forcément, dès qu'il y a un regard caméra, on pense à Bergman, mais je n'ai pas voulu faire de rapprochements avec ce film en particulier.

J’imagine qu'à ce moment-là, il souffre, qu’il est déjà blessé, et qu'il n’a pas envie de montrer plus que ce qu'il a déjà montré. En plus, comme c'était tourné en vidéo, et que l’on affirme maintenant pouvoir tout filmer en vidéo, il était intéressant de montrer l'ambiguïté de ce moment où il dit "ça suffit".