Entretien
réalisé
au printemps 2003 par mail
par Nadia MEFLAH
Sobrement intitulé Chaplin de lettres orangé, la silhouette
du vagabond Charlot se détache nettement sur la couverture
blanche, tel un monochrome du début du siècle dernier. Aucune
illustration pour le cinéphile amoureux de Chaplin mais le
regret est très vite dépassé à la lecture du récit de vie
tant l’auteur David Robinson sait nous tenir en haleine. Il
y a véritablement une école anglo-saxonne de la biographie
des gens de cinéma qui fait défaut en France (si ce n’est
Claude-Jean Philippe avec son Roman de Charlot) qui
privilégie l’analyse esthétique (nécessaire) mais qui oublie
trop souvent l’approche historiographique. Tel n’est pas
le cas avec Robinson qui marie avec élégance et rigueur les
fils de l’histoire d’un certain petit homme, né le 16 avril
1889 à Londres avec l’Histoire de son époque, du music-hall
anglais dont est issue la famille Chaplin (mère et père) à
l’émergence d’un personnage Charlot au cœur d’une industrie
cinématographique américaine naissante.
Passeur d’une vie en tout point extra-ordinaire, David Robinson
a su créer un lecteur captivé pris par les rets de la fiction,
alors même que nous lisons un travail d’historien (collecter
les archives, les classer, les analyser, le mettre en rapport,
constituer un récit). Un très beau roman.
Objectif Cinéma :
Pourriez-vous nous raconter
la genèse de votre ouvrage Chaplin, sa vie, son art publié
la première fois en 1985 dans une édition abrégée chez Ramsay.
Et à quelles difficultés vous êtes-vous heurté ou non quant
à l’accès aux archives et documents Chaplin ?
David Robinson : Toute ma vie, j’ai été fasciné par
Chaplin. Vers la fin de sa vie, j’ai eu plusieurs fois l’occasion
de le rencontrer avec sa femme. Une fois, je lui ai dit que
j’aimerais par-dessus tout écrire un livre sur lui ;
mais que cela n’aurait d’intérêt que s’il y avait de nouvelles
choses à écrire, de nouvelles informations, et que lui seul
pouvait me les apporter.
Il n’a dit ni oui ni non et, après sa mort, Lady Chaplin a
pris cela pour une approbation. Elle m’a dit : « Vous
pouvez venir à Vevey et voir ce que nous avons, mais je ne
crois pas que cela puisse être très utile. Nous n’avons que
les cahiers de montage et les archives de studio. »
Bien sûr, c’était un vrai trésor. On aurait dit que le moindre
papier du studio avait été conservé, ce qui permettait de
retracer l’histoire de la production et les étapes de création
de chaque film, de 1918 à la fin de la carrière de Chaplin.
Il y avait tant de coupures de presse et d’autres documents,
plus secondaires, qu’une vie n’aurait pas suffi pour les examiner
dans leur intégralité.
Vous évoquez les difficultés : je crois qu’elles consistaient
uniquement à synthétiser cette masse énorme de documents et
d’informations en un livre. Le travail fut beaucoup facilité
par l’intérêt et la collaboration de la famille Chaplin. Ils
ne posèrent aucune contrainte et insistèrent sur le fait que
cela ne devait être en aucun cas une biographie « officielle »
ou « autorisée ».