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Objectif
Cinéma : Votre film est
dédié à la résistance arménienne armée qui s'est organisée
dans les années 1970 et 1980 en réponse au négationnisme turc.
Vous distinguez clairement cette résistance du terrorisme.
La plupart de leurs attentats étaient effectivement ciblés
contre des personnalités du gouvernement turc, mais certains
ont visé des lieux publics et donc des civils. Pourtant on
imagine très mal Aram, le héros du film, soutenir des attentats
contre des civils. Est-ce une façon pour vous de condamner
ce type d'attentats et de mieux soutenir les attentats ciblés
contre les responsables turcs ?
Robert Kéchichian : Oui.
C'est exactement ça. Je condamne tout attentat aveugle. Même
si la communauté arménienne a condamné l’attentat sanglant
qui s’était produit à Orly au comptoir de la Turkish Airline
en 1983, elle pensait toutefois qu’il était normal que des
jeunes Arméniens soient entrés en résistance face au négationnisme
turc. Même si je l’indique, je ne laisse pour autant pas assez
apparaître dans le film que tout combat juste entraîne la
mort de l'innocence. On voit trop peu le personnage de Nassima,
la maîtresse de Talaat, qui meurt alors qu'elle n'est coupable
en rien de cette histoire : Aram mène un combat juste
et pourtant il tue cette jeune femme qui n'a rien à voir là-dedans.
Et j'indique juste avant qu’il renonce à tirer parce qu'il
voit passer les parents avec la petite fille. Ma position,
c’est de dire que même lorsqu’on fait attention, on tue parfois
l'innocence.
Objectif Cinéma :
Cette injustice-là se retrouve dans le personnage de Méliné,
la soeur d'Aram, qui n'est pas engagée dans son combat et
qui pourtant va voir sa vie gâchée par lui.
Robert Kéchichian : Exactement.
C'est la dialectique de la tragédie qui ne s’arrête pas. Ils
se sont réconciliés, et même si le père et le fils ne se reverront
jamais plus, ils ont enlevé un poids de leur relation. Mais
il laisse sa sœur sur le côté. Ce qui devait être la fin du
deuil est le début d'un autre pour elle.
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Objectif
Cinéma : Ararat,
le dernier film d'Atom Egoyan, traitait également des conséquences
du génocide et de sa non-reconnaissance par le gouvernement
turc, mais à travers une approche très différente, plus
introspective. Qu'avez-vous pensé du film ?
Robert Kéchichian :
Je ne l'ai pas vu (rires). Non pas parce que je ne
voulais pas aller le voir. Il s'avère que j'ai eu un tournage
décalé par rapport à celui du film d’Atom Egoyan et quand
son film est sorti au mois de septembre 2002, j'étais un
peu embêté parce que j'aurai bien voulu sortir Aram
à peu près au même moment.
Objectif Cinéma :
A l'origine, Aram devait sortir à la rentrée ?
Robert Kéchichian :
Sans Ararat, on aurait décidé un peu différemment
de la sortie du film car le film a été terminé fin juillet
2002.
Objectif Cinéma : Que
pouvez-vous nous dire sur le futur DVD d'Aram ? Connaissez-vous
déjà sa date de sortie ?
Robert Kéchichian :
Oui, le DVD sera mis à la vente le 5 août 2003. On y trouvera
un court-métrage qui s'appelle aussi Aram, l'histoire
d'un homme dans la confusion des sentiments, qui prélude
un peu à ce que sera le long métrage plus tard, en tout
cas formellement, même si c'est un film extrêmement impressionniste
par rapport à celui-là. Il y aura un « Pour mémoire »
qui rappelle un petit peu les événements du 24 avril 1915
et ses raisons. Il y aura aussi beaucoup de scènes non montées
dans le film (7).