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Pedro Butcher (c) D.R. PEDRO BUTCHER
Rédacteur en chef
de la revue de cinéma
en ligne FilmeB
Entretien et traduction
réalisé le 6 juin 2003
à Rio de Janeiro
par Yann RAYMOND


Pedro Butcher, actuel rédacteur en chef de la revue en ligne FilmeB, critique de cinéma pour la Folha de São Paulo lors du Festival de Cannes 2003, est journaliste de formation. Il fut critique au Jornal do Brasil, à l’O Globo et à la Folha de São Paulo. FilmeB est la première tentative de journal économique sur le cinéma au Brésil.

Dans cet entretien, Pedro Butcher évoque l’histoire récente du cinéma brésilien et les difficultés auxquelles il a été confronté. Il fait le point sur la situation à la fois économique et artistique de l’industrie du cinéma.


  Dona Flor e seus dois maridos  (c) D.R.

Objectif Cinéma : Quelle est la situation du cinéma brésilien aujourd’hui, après le Festival de Cannes 2003 et la sélection de plusieurs films dans différentes sections ?

Pedro Butcher : On peut dire que le cinéma brésilien progresse depuis 1997. Dans les années 70, il y avait 3000 salles de cinéma, l’entrée était peu chère et les films étaient très populaires. Avec l’arrivée de la télévision câblée, de la vidéo et en raison de certains autres facteurs, le cinéma brésilien s’est retrouvé en crise ; ce qui a provoqué la plus grande crise du secteur de l’exploitation, avec la fermeture de nombreuses salles de cinéma. Ce fut un processus long durant les années 80 et le début des années 90. La fermeture d’Embrafilme, organisation régulatrice du cinéma brésilien, décidée par le Gouvernement Collor de Mello, a parachevé le tout. C’était une entreprise de l’Etat qui fonctionnait grâce à des fonds privés provenant des productions et de l’argent public. L’investissement se faisait ensuite en fonction des projets présentés, du réalisateur, des moyens de production, des acteurs.


Objectif Cinéma : Etait-ce une bonne solution pour le cinéma brésilien, la création d’Embrafilme ?

Pedro Butcher : Ca été une très bonne solution au départ pour relancer la production, et puis Embrafilme a aussi tenu le rôle de distributeur de films. Elle était devenue le nerf du cinéma brésilien, qui pouvait influencer, gérer le marché et influencer par conséquent les films produits. C’était une autre époque. Dans les années 1976-78 et au début des années 80, le cinéma brésilien avait 35% de PDM. En 1976, par exemple, Dona Flor e seus dois maridos de Bruno Baretto faisait dix millions d’entrées. Chiffre non dépassé depuis. Fin des années 80, Embrafilme entra dans une crise ; c’était un modèle très fermé qui privilégiait toujours les mêmes cinéastes. Le président Collor décida d’arrêter son activité, mais en ne proposant aucune autre solution. En l’absence d’un nouvel organisme, la production tomba à zéro film par an, les films prêts ne furent pas distribués, et le secteur de l’exploitation entra dans une crise encore plus importante ; à cette époque le cinéma national était un moyen d’attirer le public dans les salles. Collor, par un processus d’ « impeachment », quitta le pouvoir deux années avant la fin de son mandat. Le vice-président, Itamar Franco, fut nommé président en 1993. Ce dernier créa immédiatement une loi appelée « Lei do Audiovisual ». Elle est venue en même temps que la privatisation de nombreux fonds publics dans plusieurs secteurs et permit la création de la Loi Rouanet, basée sur le renoncement fiscal afin d’investir dans le secteur de la culture (théâtre, danse, cinéma, etc.). Dorénavant, les entreprises ont la possibilité de payer leur impôt en investissant sur un film grâce à la « Lei de Audiovisual ». Deux articles de cette loi sont fondamentaux : le premier, qui offre la possibilité à une entreprise de payer jusqu’à 3 % de ses impôts (100 % de l’investissement est déduit des impôts) en l’investissant dans le cinéma. Il s’agit donc de fonds publics mais c’est l’entreprise qui choisit où les investir ; le troisième article, qui concerne les distributeurs étrangers installés au Brésil qui peuvent réduire de 70 % leurs impôts en investissant dans le cinéma brésilien.