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Carandiru (c) D.R.

Objectif Cinéma : Aujourd’hui cette loi est remise en cause par le nouveau gouvernement qui souhaite réduire son importance. Quand est-il exactement ?

Pedro Butcher : Cette loi a été dans un premier temps très efficace pour relancer la machine, après la suppression d’Embrafilme. Elle a été conçue pour une durée de dix ans jusqu’en 2003 et elle doit être maintenant réadaptée. Elle a véritablement aidé le cinéma, modifié les systèmes de production. Les premières entreprises qui investirent dans le cinéma sont celles de l’Etat, et malheureusement peu d’entreprises du secteur privé ont fait ce choix. Le problème majeur est que le choix d’investissement dans un film s’effectue au sein de ces sociétés par le département « marketing » ou  « communication » qui a une vision éloignée du cinéma. Il a été déplacé sans être résolu, cependant on ne peut pas ignorer son apport pour relancer la production. Finalement, l’article le plus efficace de la loi est le troisième, concernant les distributeurs étrangers. Il est bénéfique pour les majors américains et le cinéma brésilien. On peut mesurer ce changement entre 1995 (date à laquelle les premiers films grâce à la loi de 1993 sortent en salle) et 2000, où la part de marché a atteint 10 %. Il s’agit néanmoins que d’une situation provisoire.


Objectif Cinéma : Maintenant, quelle est la position du nouveau gouvernement en place (Lula, du parti des travailleurs, est président de la République du Brésil depuis le 1er janvier 2003) ?

Pedro Butcher : Le nouveau gouvernement est en train d’analyser cette loi, mais personne ne sait encore exactement ce qui va se passer. La loi va certainement être révisée sans être supprimée, car il n’existe aucun autre moyen pour l’instant de captation de fonds pour la production, et aucun nouveau projet de loi n’est à l’étude en ce moment. Cependant, le cinéma brésilien est en phase de transition, et l’investissement public devrait augmenter, c’est d’ailleurs en ce moment la cause d’un grand débat dans l’industrie. La création de l’Ancine (correspondant à notre CNC, ndr) s’est faite en partie sur le modèle d’Embrafilme pour recréer une politique cinématographique au Brésil. Elle a pour but aussi de réguler l’industrie et de faire appliquer les lois. Pour l’instant, elle a du mal à s’implanter et est le résultat du gouvernement précédent. Le nouveau gouvernement est contre le système des agences régulatrices. Mais la transition avec le nouveau gouvernement se fait lentement, contrairement à ce qui s’est passé avec Collor, qui avait du jour au lendemain supprimé Embrafilme sans que rien d’autre n’apparaisse. Le cinéma brésilien est en train de connaître sa meilleure année depuis 30 ans. L’un des aspects les plus importants est le pacte qui unit le cinéma avec la télévision pour la première fois. Les grands groupes se rendent compte que le cinéma est en train de changer et prennent les devants, notamment la Globo qui est le média le plus important. Elle a depuis peu un département cinéma, Globo Filmes, coproducteur sur plusieurs films qui représentent 80 % des entrées des films brésiliens.

  Cidade de Deus (c) D.R.

Objectif Cinéma : Situation, peut-être unique au monde : la présence des entreprises Petrobras et BR (les deux branches du groupe pétrolier brésilien) dans le cinéma brésilien. Peux-tu nous parler de cette situation ?

Pedro Butcher : Le problème vient du fait que l’argent public est géré par des entreprises privées ; ce système est un échec, parce que les entreprises privées au Brésil ont une déclaration des revenus qui est particulièrement compliquée, et il n’est pas vraiment intéressant pour elle d’investir dans un secteur comme le cinéma. Mais il existe des entreprises de l’Etat, comme Petrobras, à caractère mixte, qui ont été orientées par les ministères pour investir dans le cinéma et qui sont devenues pratiquement un nouveau Ministère de la culture à elles seules. Durant cette période, le gouvernement a transféré les responsabilités et l’apport d’argent vers le secteur privé. Ce sont donc aujourd’hui les branches « marketing » de ces sociétés qui décident sur quel film ou projet investir. Cette loi d’incitation a créé une situation « tordue » où c’est une entreprise, en l’occurrence Petrobras, qui est devenue le Ministère de la culture du Brésil en raison de son fort pouvoir d’investissement. Sans BR et Petrobras, le cinéma brésilien de ces dernières années n’aurait pas existé. Embrafilme régulait le marché sans vraiment convaincre, alors que grâce à ces nouvelles lois, soixante-dix cinéastes ont pu réaliser leur premier film. Il y a eu donc une véritable démocratisation, bien que la majorité des fonds soit allée vers des cinéastes porteurs et déjà reconnus.