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Cidade de deus (c) D.R.
Objectif Cinéma : Depuis deux ans, grâce à ces lois, on a pu voir sur les écrans des films populaires, comme Cidade de Deus et Carandiru, fabriqués pour atteindre le plus grand nombre et relancer l’attrait des Brésiliens pour les films nationaux, et dans le même temps ces films sont sélectionnés à Cannes. N’y a-t-il pas là un paradoxe ?

Pedro Butcher : Je crois que le Festival de Cannes, au moment de la sélection des films, effectue des choix artistiques, mais prend en compte aussi d’autres critères. Et pour le Brésil, je pense qu’il a fait le choix d’accompagner le renouveau du cinéma brésilien et de le soutenir dans cet effort en montrant des films. C’est une représentation, dans la sélection, du poids du pays sur le plan cinématographique. Car la nouvelle génération propose aujourd’hui des films très intéressants mais encore immatures. Et une sélection à Cannes peut conduire à une réception désastreuse. Ce qui est important c’est que Cidade de Deus et Carandiru parlent de la réalité actuelle du Brésil . Il faut rappeler que le premier film produit grâce à la « Lei do Audiovisual » est Carlota Joaquim, un film historique, de même que les autres films qui fermaient les yeux sur la réalité du Brésil. C’étaient des comédies romantiques, des films sur la classe moyenne sans grand intérêt. Des films construits sur les mêmes principes que ceux de la télévision, une simple reproduction de ce que l’on pouvait voir à la télé. Cidade de Deus est très critiquable pour son montage à l’américaine, sa photo proche de celle des clips vidéo, mais c’est un film de cinéma pour le grand écran et produit en tant que tel. Central do Brasil de Walter Salles est le premier succès international de la « Retomada do cinéma brasileiro », qui débute en 1995, deux ans après la mise en place de la loi. De manière différente du Cinema Novo, c’est un retour du cinéma brésilien vers des questions d’actualité. L’une des uniques connexions du nouveau cinéma brésilien avec le Cinema Novo, c’est celui-là : filmer les réalités du Brésil.

Central do Brasil (c) D.R.

Objectif Cinéma : Ce qui provoque d’ailleurs un grand débat au sein du cinéma brésilien, entre ceux qui se réfèrent à l’Estetica da Fome (texte de Glauber) et qui critiquent très fortement l’esthétique de ces films, et ceux qui, au contraire, voient là une suite au Cinema Novo…

Pedro Butcher : Le Cinema Novo était très varié, ce n’était pas uniquement Glauber Rocha. Nelson Perreira Dos Santos faisait par exemple un cinéma bien plus académique et était l’un des fondateurs de ce cinéma. Par exemple, Central do Brasil est très proche de ce cinéma. Il y a donc une continuation sur près de quarante ans. Mais on retrouve aujourd’hui une plus grande variété dans le cinéma. O Invasor de Beto Brant inclut à la fois les règles du Cinema Novo, proche des personnages, et celle de la télévision et du vidéo clip. Car durant la période de crise, la télévision est devenue très importante au Brésil, notamment avec les Telenovelas, qui sont devenues une forme de culture dans  la société. Et Central do Brasil n’a pas oublié aussi d’être un mélodrame ancré dans le quotidien. Cidade de Deus et les autres films ont la même volonté que celle du Cinema Novo, celle d’atteindre le plus grand nombre. Le projet du Cinema Novo est un projet populaire, celui de faire des films populaires comme Leon Hirszman qui réalisa Garota de Ipanema et Macunaima . Même si Cidade de Deus est super-esthétisant, que c’est un super-clip, il a levé plus de trois millions de spectateurs au cinéma, un public qui normalement n’allait pas au cinéma voir des films brésiliens. C’est la même chose pour Carandiru et Deus é Brasileiro. Ces films utilisent le troisième article de la loi, associés à des distributeurs, Columbia pour Carandiru et Deus é Brasileiro et Lumière (compagnie indépendante très forte au Brésil, représentante notamment de Miramax) pour Cidade de Deus ; la Warner, de son côté, distribue les films de Xuxa (star de la télé brésilienne) dont la qualité est médiocre mais qui atteint un très grand nombre d’entrées . L’industrie brésilienne est en train de réussir à attirer dans les salles la classe C, qui a l’habitude de regarder uniquement la télévision.