SON FRERE
Patrice Chéreau, Bruno Todeschini,
Eric Caravaca, Agnès B
Compte
rendu de la conférence
de presse du 11 février 2003,
au Festival de Berlin
Par Clémentine GALLOT
de l’équipe de
Cinélycée.com
SYNOPSIS : A
Paris, Thomas est atteint d'une maladie incurable qui détruit
ses plaquettes sanguines. Pas mortelle, elle astreint toutefois
le patient à un régime sévère. Un soir, il passe affolé chez
son frère Luc, qu'il a perdu de vue, pour lui confier la gravité
des symptômes.
Poussés à bout par la progression de la maladie, les deux
hommes vont enfin se livrer à eux-mêmes. Pour la première
fois, Thomas semble éprouver de l'intérêt pour la vie privée
de Luc, homosexuel. Claire, la petite amie de Thomas, prend
progressivement ses distances vis-à-vis de ce dernier. Les
deux frères finissent par passer l'essentiel de leur temps
ensemble et se remémorent des souvenirs de leur enfance.
Patrice Chéreau : Il
y a un an, en janvier, je me suis retrouvé sans projet, sans
travail. Le film que je devais faire avec les Américains était
retardé. Alors je me suis tourné vers mon chef opérateur, Eric
Gauthier, et il m’a dit « faisons un film en six mois ».
Je pensais que c’était impossible. J’ai pensé au livre de Patrick
Besson que j’avais lu, et j’y ai vu matière à faire un film.
En février, j’ai écrit quelques lignes du scénario, en mars
on a fait les repérages. J’ai dit à Bruno (Todeschini) de faire
un régime amaigrissant. En avril, on a écrit les dialogues ;
en mai, on avait fini de repérer. En juin on a fait la préparation,
en juillet on a tourné, on a terminé le 31 août et fini de monter
le film en octobre. Ce film n’a pu se faire que rapidement et
simplement, avec une toute petite équipe. C’était un retour
aux sources du cinéma. Le temps était presque exclusivement
consacré aux acteurs. Cette histoire est celle d’une agonie
choisie, car le personnage pourrait ne pas mourir, accepter
cette maladie : le paradoxe de quelqu’un qui se laisse
mourir parce qu’il n’a pas la force de vivre.
Cinélycée :
Avez-vous modifié des éléments par rapport au livre ?
Patrice Chéreau : J’ai
suivi fidèlement la description de la maladie. Ce qui est
terrible, c’est qu’on n’en meurt pas. Avec des doses importantes
de cortisone, on en sort avec des conséquences physiques terribles,
on grossit, ce que ne veut pas Thomas. Sinon, il y a l’ablation
de la rate et, comme dit le médecin, « il faudrait jouer
de malchance pour que ça ne marche pas ». Et ça ne marche
pas, on ne peut pas lui dire clairement ce qui va arriver.
Il peut alors vivre en bonne santé et mourir à chaque instant.
Ce qui m’a frappé c’est que ce personnage brillant se rend
compte qu’il n’a pas la force de survivre à cela, qu’il est
démuni.
Le sujet du film, ce n’est pas la maladie mais un homme qui
découvre que toute sa vie était basée sur un mensonge, sur
une force présumée qui finalement n’est pas là. Il n’a pas
la volonté de décider d’en finir, ni de se battre. C’est ce
qui arrive quand une personne d’un narcissisme énorme est
atteinte physiquement.