Cinélycée : Agnès
B., vous avez produit le film, qu’est-ce qui vous motive généralement
pour financer un projet ?
Agnès B. : En
ce qui concerne le cinéma, j’ai commencé par produire Gaspar
Noé (Seul contre tous) puis Claire Denis. Patrice m’a
fait lire le scénario et je trouve le film magnifique. J’admire
Chéreau depuis que mon père m’a emmenée voir ses pièces et
j’ai été bouleversée par Phèdre.
Cinélycée : En quoi votre travail au cinéma est-il
différent du théâtre ?
Patrice Chéreau : J’ai
travaillé très longtemps au théâtre et je fais des films justement
parce qu’il me semble que le théâtre est trop abstrait, trop
éloigné de la réalité. Je trouve dans le cinéma un moyen pour
poser des questions essentielles. En montant Phèdre
je me suis aperçu que le cinéma nourrissait le théâtre que
je fais. Mes mises en scène de théâtre sont des exceptions,
j’ai surtout envie de tourner des films.
Cinélycée : Parlez-nous
de la séquence du rêve.
Patrice Chéreau : Un
rêve est comme une réalité détournée : le personnage
accompagne son frère dans la maladie, il se rend presque malade
lui aussi, à tel point que sa relation fraternelle intervient
dans la relation avec son copain, cela lui pèse et il en souffre.
L’important est que dans ce rêve, il se retrouve dans la relation
de dépendance, avec le sentiment d’infériorité qu’il a toujours
eu. Comme si la vie avait été faite pour le frère aîné. On
donne au cadet les affaires déjà portées par son frère etc.
C’est celui qui a toujours vécu la vie avant vous, c’est agaçant.
Finalement le cadet s’émancipera par la mort de son frère.
Cinélycée : Les
deux acteurs ont-ils connu un drame semblable, ont-ils puisé
leur interprétation dans un vécu ?
Bruno Todeschini : Moi,
je suis le frère cadet, mais je ne me suis pas inspiré de
ma famille. Le régime amaigrissant a été très éprouvant physiquement,
et aussi parce que j’avais une tension très basse. Je me suis
beaucoup appuyé sur Eric. On s’est aperçu qu’on avait les
mêmes mains, à certains moments il est à l’image et il me
ressemble étrangement.
Eric Caravaca : Nous
avons vécu quelque chose, Bruno et moi, de très intime, dont
nous n’avons jamais parlé, et c’est tant mieux.