Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
La Cinémathèque française (c) D.R. GLENN MYRENT
Rédacteur en chef de la Revue
de la Cinémathèque Française
Entretien réalisé à Paris en mai 2003,
Par Nadia MEFLAH



A l’heure où la Cinémathèque Française semble voir le bout du tunnel avec l’arrivée de Serge Toubiana à sa direction (selon Les Cahiers du Cinéma daté du mois de juin 2003, mais de quel tunnel précisément s’agit-il ?) Objectif Cinéma a tenu à rencontrer un confrère, très rarement cité voire oublié, Glenn Myrent. Depuis près de deux ans, il a véritablement bouleversé la ligne éditoriale de la revue de la Cinémathèque.


Revue Cinémathèque , Le feuilleton du cinéma

  Jean-Charles Tacchella  (c) D.R.

Fondée en 1992 par la Cinémathèque Française, elle fut dirigée durant plus de 8 ans par Dominique Paini et Marc Vernet, comprenant dans son comité éditorial des universitaires de la critique parisienne majoritairement (Jacques Aumont la figure tutélaire, Michel Marie, Charles Tesson, Michèle Lagny entre autres). Revue semestrielle d’esthétique et d’histoire du cinéma, elle a diffusé un savoir exigeant où l’esthétique était le nerf de la guerre. Ce qui manquait n’était pas tant l’érudition ou le brio de certaines plumes analytiques (notamment celle de Nicole Brenez) que le plaisir du texte pour le lecteur, qui se retrouvait parfois figé dans une admiration parfumée d’ennui, n’en déplaise aux thuriféraires du tout interprétatif (dont votre humble critique).

Le parti pris radical du nouveau comité de rédaction (après le départ de Dominique Paini en l’an 2000) sous l’égide de Glenn Myrent et Jean-Charles Tacchella fut de rayer la notion « esthétique » (1) et ce, dès le numéro 19 (printemps 2001, tout ouvrant le lectorat de la revue avec la traduction anglaise systématique, ce qui n’est pas trop tôt !) A la lecture de la nouvelle mouture, (à ce jour quatre numéros, en attendant la reprise ou non avec la nouvelle direction) première surprise de taille : la revue se dévore tel un roman et le mot histoire du cinéma dès lors prend sens de manière quasi charnelle. Il y a un effet feuilleton qui fonctionne à merveille, où la curiosité aiguisée par la somme d’informations et de connaissances ramassées au fil des pages ne s’épuise guère.


Orson Welles  (c) D.R.

Le témoignage et le récit d’une vie occupent une part importante, comme s’il s’agissait de faire entendre non pas une parole extérieure (celle du cinéphile déchiffreur, greffe du savoir et de la pensée) qu’une parole de l’agir et du vécu. Lorsque que Willy Kurant raconte Welles, c’est au nom de leur passé commun (l’un cinéaste, l’autre chef-opérateur) pour dire un temps du cinéma par sa fabrique. Le lecteur devient le témoin privilégié de ce qui a été, de cet atelier du cinéma avec ses dessous à la fois drôles et parfois pathétiques (notamment le destin de Roméo Bosetti, niçois d’origine italienne, précurseur du burlesque français dans les années 1910.). Le passage du mot recueilli à l’écran s’est effectué en toute logique un lundi de juin au Palais Chaillot.  Glenn Myrent poursuivait son travail de rédacteur, en programmant pour la sortie du numéro 22 de Cinémathèque, une soirée sur Orson Welles et la Télévision avec la présence de Willy Kurant au verbe réjouissant.

Ce qui demeure est l’attention portée aux travaux des conservateurs / restaurateurs du cinéma du monde entier.  La restauration, le patrimoine, l’archive, le document cinématographique sont traités à la fois sur le mode journalistique et informatif. Glenn Myrent et son équipe interrogent ce qui reste de la Kinoteka de Belgrade (indispensable rencontre après la guerre en ex-Yougoslavie et ses ravages causés, et où aujourd’hui on peut se poser la question du sort des documents cinématographiques irakiens) en menant ses enquêtes tels un détective du cinéma ! A lire le récit (exactitude certifiée des 3050 mots !) des opérateurs Lumière à Chicago, on savoure une saga policière avec énigme à l’appui. Avec cette sensation du temps retrouvé qui nous affleure « Ce fut comme une apparition. J’avais mon doigt sur le bouton de la caméra à 15 heures 19 et soudain tout changea autour de moi. A travers le viseur de l’Eclair, je vis cette vieille Grande Roue apparaître à mesure que le tramway passait par Clark Street (…) j’avais passé soixante secondes au XIXème siècle – manifestement cent ans avant ladite minute. » 

Le cinéma sous sa plume nous fait devenir proustien.