Complice depuis la première heure d’Ariane Mnouchkine au Théâtre
du Soleil, Guy Claude François est scénographe pour la scène
(théâtre, opéra, concerts…), les musées ou expositions, l’architecture.
Son agence Scène a conçu, en collaboration avec des
architectes, plus de cent cinquante salles de spectacle.
Menant en parallèle une carrière de décorateur de cinéma -
et récoltant plusieurs nominations aux césars - on lui doit
les décors de films signés Bertrand Tavernier, Coline Serreau,
Philip Kaufman ou James Ivory, et plus récemment, l’univers
moyenâgeux du Pacte des loups.
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Objectif Cinéma :
Quelle est votre formation ?
Guy Claude François : L’école
m’a appris ce qu’on appelait « les humanités » :
les lettres classiques, le latin, le grec… Plutôt que l’apprentissage
d’un métier. Après le bac, j’ai choisi d’intégrer l’Ecole
de Théâtre de la rue Blanche, aujourd’hui située à Lyon. Pour
préparer le concours d’entrée, j’ai appris le dessin dans
une Académie, et l’histoire de l’art à l’Ecole du Louvre.
Une fois reçu, j’ai suivi deux formations au sein de l’école :
décorateur et régisseur.
Mon premier contact avec le cinéma s’est fait pendant mon
service militaire, au service du cinéma des armées. On y tournait
des reportages et des fictions, beaucoup de gens de cinéma
sont passés par là. Finalement, c’est l’armée qui m’a permis
de comprendre l’organisation d’un film.
J’ai persévéré dans le théâtre, et j’ai rencontré Ariane Mnouchkine
à qui je suis resté fidèle jusqu’à aujourd’hui. C’est le Théâtre
du Soleil qui m’a conduit à m’intéresser à l’architecture,
car à chaque spectacle, il s’agissait de reconstruire une
architecture totale, et non de s’installer dans le cadre d’un
théâtre « à l’italienne ». Et je me suis intéressé
au cinéma à partir du film Molière, en 1978. Ce film
a été le déclencheur. Grâce à lui, j’ai été reconnu et sollicité
par le milieu du cinéma.
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Objectif Cinéma :
Aviez-vous alors la volonté de vous
diversifier, de vous éloigner du théâtre ?
Guy Claude François : Absolument
pas. J’ai toujours été pragmatique, sans plan de carrière.
Ce dont j’étais sûr, c’était d’éviter le théâtre académique,
j’y sentais une barrière à l’innovation.
Objectif Cinéma :
Vous connaissiez le cinéma ?
Guy Claude François :
A l’époque - je suis né en 1940 - on y allait souvent, disons
deux fois par semaine. Le cinéma faisait partie de la vie,
je voyais des films comme je lisais des livres. Depuis, je
dois avouer que je préfère faire du cinéma plutôt que d’y
aller. En revanche, je regarde beaucoup de films en DVD.
Objectif Cinéma :
Toute la compagnie d’Ariane Mnouchkine
a participé à Molière. Le film s’est donc tourné avec
l’esprit d’une troupe de théâtre ?
Guy Claude François : Molière
dure près de 4 heures, c’était une production assez gigantesque.
Le décor a coûté 35 MF de l’époque, ce qui était énorme et
plutôt rare. C’était mon premier film et je croyais que le
cinéma était tout le temps comme ça, avec beaucoup de moyens,
et une grande liberté de création. La même liberté artistique
qu’au Théâtre du Soleil avec, bien entendu, des contraintes
techniques et une grande vigilance à l’aspect financier. La
moitié du film a été tournée à la Cartoucherie de Vincennes,
(une ancienne cartoucherie investie par le Théâtre du Soleil
en 1970, transformée en lieu de travail et de représentation
théâtrale) et non dans un studio traditionnel.
Cet esprit de troupe peut se retrouver au cinéma, tout dépend
des équipes. Mais il est vrai qu’à l’heure actuelle, les choses
doivent être efficaces, rapidement rentables. Cela altère
l’esprit artistique et d’équipe. Personnellement, je n’en
suis pas trop gêné, je sais que malgré ça, je peux vivre des
moments agréables en faisant un film.
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