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  La Passion Béatrice (c) D.R.

Objectif Cinéma : Qu’a apporté votre expérience de scénographe à votre travail pour  le cinéma ?

Guy Claude François : Le théâtre est essentiel dans la création d’un espace de représentation, qu’il s’agisse de la scène, de cinéma, de muséographie. J’enseigne la scénographie aux Arts-Décoratifs (Ecole Nationale des Arts Décoratifs - ENSAD), et j’insiste pour que le théâtre soit le pivot, la clé de voûte de la pédagogie.

En architecture, on conçoit un espace, un lieu dans lequel la vie va s’installer. Par contre, au théâtre ou au cinéma, il y d’abord la vie - un personnage ou une intrigue - et on doit construire autour. Surtout ne pas se contenter de reconstituer un espace, ni faire de la décoration avec des couleurs et des effets de mode, mais construire autour d’un personnage l’espace adapté.

C’est cette recherche de sens que l’on apprend au théâtre, et il faut se donner cette même priorité quand on fait du cinéma, tout en tenant compte des contraintes techniques, comme les lumières ou les mouvements d’appareils. Molière et La passion Béatrice en sont deux exemples.


Objectif Cinéma : A quelques exceptions près, dont les films de Coline Serreau, vos films sont situés dans le passé, du moyen-âge au XXème. Recherchez-vous délibérément les films d’époque ?

Guy Claude François : Non, ou alors de manière implicite. Je ne fais pas de différence entre film d’époque et film contemporain, entre comédie et non-comédie. Je m’attache à ce qui émerge du script, des personnages. Et dans le cas de Coline Serreau, je suis toujours séduit par son écriture.

Mais il est vrai que j’aime beaucoup l’Histoire, car elle permet une transposition. Je suis attiré par la transgression, qui n’empêche nullement de rester authentique, mais… « vraisemblance plutôt que vérité ».

Puivert pendant le tournage (c) D.R.

Objectif Cinéma : Justement, comment abordez-vous la représentation de l’Histoire au cinéma ?

Guy Claude François : Pour les films d’époque, je ne me plonge jamais dans une documentation, qu’elle soit livresque ou imagée. La documentation est souvent fausse, car elle est elle-même transposition.

Pour traiter le siècle de Molière, je me suis bien sûr tourné vers Viollet-le-duc, un architecte du XIXème, passionné par le moyen âge et qui a restauré la France entière. Mais ses dessins ne correspondent pas à la façon dont les gens vivaient. Je ne me sens pas en accord avec Viollet-le-duc quand il dessine une construction de manière propre, linéaire.

En revanche, en lisant le journal des Compagnons, on comprend mieux comment un bâtiment était construit. Il n’a y aucune raison pour que les maisons parisiennes de cette époque ressemblent à celles de Sarlat, qui est pourtant la vision traditionnelle du moyen âge dans les films. Paris, c’était 90 % de maisons populaires, faites par les occupants eux-mêmes, et qui s’écroulaient sans cesse. La géologie de Paris est telle que rien n’était sec, tout était dans la boue.


Objectif Cinéma : Dans Molière, vous recréez un Paris aux rues couvertes de terre, de boue qui remonte le long des maisons.

Guy Claude François : C’est authentique, mais on ne le voit pas dans les peintures ou les dessins qui ont tendance à magnifier la réalité. Je répète à mes élèves la chose suivante : pour faire un film qui se passe à une époque ou dans un pays lointain, intéressez-vous à la géologie, au climat, à la religion. Avec ces trois éléments, on a les composantes essentielles du décor. Après, on peut entrer dans la documentation.

Pour Molière, on a reconstitué les rues de Paris et d’Orléans à l’extérieur des bâtiments de la Cartoucherie. Avec le dépouillement, j’avais calculé qu’il fallait une centaine de maisons, et pour des raisons évidentes de budget, on en a construit une vingtaine. Elles étaient régulièrement déplacées à la grue, on les substituait les unes aux autres, on interchangeait leur toiture… Déplacer rapidement les décors est une habitude du théâtre et de la machinerie.