Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
  Molière (c) D.R.

Objectif Cinéma : Dans ce film, on sent l’influence du théâtre dans le traitement de l’espace de jeu, les peintures…

Guy Claude François : Bien sûr, et c’est aussi vrai d’un film plus récent : Le pacte des loups. Christophe Gans cherchait dans les racines du théâtre plutôt que dans le réalisme. Il voulait un impact visuel important, avec des contrastes, de la surprise. Ça me paraissait naturel, car son film se voulait une transposition sur le plan onirique et esthétique.

Je ne suis pas très intéressé par le théâtre qui représente un salon dont on aurait enlevé le 4ème mur, ni par les films qui font la même chose. J’ai du plaisir à voir des films réussis dans ce domaine-là, mais en termes d’activité, de création, c’est moins intéressant.


Objectif Cinéma : Vous avez cité La passion Béatrice où vous avez reconstruit un château sur un piton rocheux, au pied des Pyrénées.

Guy Claude François : Je suis très attiré par le moyen âge, et ici nous sommes à la fin de cette période, au XVème. Le scénario m’a beaucoup touché par le caractère des personnages : fort, puissant, inscrit dans la terre. En revanche, les châteaux décrits étaient ceux de la Belle au bois dormant : la Renaissance française, les cours d’amour, les échauguettes, et je n’étais pas convaincu. La passion Béatrice est une histoire très dure, violente. L’apprentissage du théâtre m’a poussé à me dire : ce personnage ne peut pas habiter un château comme ça.

Alors, j’ai relu les Chroniques de Joinville où il est question d’un seigneur - Gaston Pheobus - qui vivait dans la région de Foix, à cette époque, et qui me faisait penser au personnage du scénario. J’ai tenu à parcourir l’Ariège où j’ai vu de nombreux châteaux, à chaque fois trop classiques, ou pas assez intéressants cinématographiquement. Puis, en descendant vers les pays Cathares, j’ai su que c’était là qu’il fallait trouver le décor - ou le reconstruire.

J’ai découvert le château de Puivert, qui était une ruine au milieu d’une nature sauvage. Seule la tour restait debout, et l’on a reconstruit autour. Pas comme à l’origine, mais de façon à créer un décor qui restitue l’esprit de l’époque et l’esprit du personnage.

Ce fut un énorme chantier qui a duré six mois, qui a mobilisé plus de deux cents personnes. Il y avait cette galerie de 50m de long, comme un tunnel, dans lequel Tavernier fait galoper des chevaux. Pour moi, ce décor est une métaphore du film qui n’est autre que l’histoire du viol d’une fille par son père.

La Vie et rien d'autre (c) D.R.

Objectif Cinéma : Dans le décor, les ouvertures semblent avoir été placé en fonction de l’espace extérieur…

Guy Claude François : On a construit au milieu d’un paysage. Quand celui-ci apparaît en découverte, il agit sur le décor intérieur. Je suis très attentif à la découverte, elle est primordiale au théâtre comme au cinéma. Elle permet de mieux identifier l’espace intérieur, d’une manière plus juste.


Objectif Cinéma : Vous avez fait 4 films avec Bertrand Tavernier. Est-il soucieux de rester fidèle à la réalité historique ?

Guy Claude François : Il recherche l’authenticité. Au point de tourner dans les endroits et aux saisons pendant lesquelles se passe l’histoire du film. Pour un décorateur, c’est très intéressant, car le lieu et la période sont une sorte de garantie de l’authenticité globale. Même si par la suite, on transpose pour se rapprocher du scénario.

La vie et rien d’autre a été tourné dans la région de Verdun. Géologiquement, c’était tantôt des terres brunes, tantôt des terres rouges. Par souci d’unité spatiale, j’ai fait couvrir tous les décors extérieurs d’une terre sombre, austère. Il y avait toujours des camions qui suivaient le tournage en transportant la même terre ! Les problèmes de raccord esthétique sont un souci permanent. Pour chaque film, j’ai toujours besoin d’avoir un élément fort, marquant, qui crée l’unité. C’est valable au théâtre, où c’est évidemment plus facile à réaliser qu’au cinéma, où une porte peut s’ouvrir à New York et se refermer six semaines plus tard à Paris...

Tavernier a beaucoup d’attention pour les acteurs, il a besoin qu’ils se sentent bien, qu’ils soient à l’aise sur le plateau. Pour la même raison, je demande que les meubles et accessoires soient prêts au moins 3 jours à l’avance - ce qui est souvent très difficile - pour pouvoir m’installer dans le décor. Je me mets dans la peau d’un acteur, m’assieds à sa table, manipule tel objet. Cette « touche finale » est une espèce de rituel auquel je tiens beaucoup.