Objectif Cinéma
: Parlons un peu de Noémie
Lvosky, qui est peu connue au Japon et dont plusieurs des
films sont inédits, de votre rapport avec elle.
Valeria Bruni-Tedeschi :
Mon film ne se serait jamais fait sans elle. Elle a travaillé
avec moi sur le scénario, elle m’a presque obligé à réaliser
le film moi-même. Elle m'a soutenu par ses conseils sur le
casting, pendant le montage financier du film. Et pendant
le tournage, bien qu'elle ne soit pas présente, je pensais
toujours à elle. Ca fait quinze ans qu'on travaille ensemble,
j'ai joué dans tous ses films, et je pensais à ce que nous
faisions ensemble, dans le rapport « direction d'acteur ».
Et ce que je retiens le plus de son univers, c'est le droit
à la fantaisie. Et cette fantaisie, le refus de la censurer,
m'a ouvert à d'autres rôles, à un autre jeu, plus sensuel.
On m'a souvent demandé de jouer des bourgeoises, des
femmes névrosées, c'est peut-être quelque chose que j'inspire
chez les réalisateurs (rires). Mais la fantaisie me
permet d'aller vers ma sexualité, ma sensualité. Et ça se
produisait lorsque je jouais le rôle de femmes issues de milieux
plus modestes. Je voulais arriver à réconcilier cela. Etre
plus ronde, plus solaire tout en restant, vous le voyez bien,
encore un peu névrosée.
Une assistante nous indique « encore deux minutes »,
Valeria Bruni-Tedeschi fait « non » de la tête.
Valeria Bruni-Tedeschi :
J'ai l'impression d'avoir un souffle derrière l'oreille...
Enfin, me diriger dans ce film, ce fut aussi le moyen de vaincre
ma peur de la réalisation. J'étais comme une enfant qui a
peur de faire de la bicyclette, et c'est Noémie, ainsi que
Mimo Calopresti, qui m'y ont amenée. Au départ je voulais
que Noémie réalise le film. Parfois je piquais des colères,
notamment au cours de la partie financière, je leur en voulais
de m'avoir foutu dans une telle situation. Mais bien entendu,
je désirais réaliser un film malgré ma mauvaise volonté à
douter de mes capacités. Puis Paolo Branco, formidable, est
arrivé. Tout s'est mis en marche, tout s'est concrétisé après
cinq années. Et du coup, toutes mes angoisses, mes crises,
tout le côté négatif est disparu. Tout est devenu joyeux,
léger.
Objectif Cinéma
: Néanmoins, entre l'opulence
financière de cette famille, le côté prof syndicaliste d'Anglade,
le désir d'aventure de votre personnage, la mélancolie, l'humour
et l'absurdité des situations de personnages qui semblent
être en représentation permanente, on a parfois le sentiment
d'être dans le sillage du Charme discret de la Bourgeoisie.
Valeria Bruni-Tedeschi :
Je crois que c'est une des plus belles choses qu'on m'ait
dite du film.