Objectif Cinéma
: Aviez-vous l'impression d’offrir
à Chiara Mastroiani, un rôle important, une occasion magnifique
?
Valeria Bruni-Tedeschi :
C'est elle qui en fait ce que vous dîtes. J'ai une relation
tendre avec elle, un peu maternelle, tout en la trouvant très
belle. Il devait y avoir dans cette relation entre les deux
soeurs du film cette ouverture vers la douceur malgré les
conflits. Dans cette famille, malgré la violence et la férocité
des rapports, il y a beaucoup d'amour.
Objectif Cinéma
: Le film est également singulier
à cet égard, on voit peu de films européens autour de la famille,
notamment en France. Le dernier grand film qui traite des
rapports complexes familiaux, c'est La Reine Margot !
Valeria Bruni-Tedeschi :
(Rires) En effet, ce n'est pas un thème à l'ordre
du jour.
Objectif Cinéma
: Je veux revenir à Anglade
et Wilson, et à ce que je suggérais il y a un instant. Car
vous ouvrez là des perspectives intéressantes de direction
de comédiens. Ces deux acteurs ont donc été deux leading
men du cinéma français dans les années 80, on n'a qu'à
citer Rendez Vous ou 37,2. La presse par la
suite les a peu ménagés, beaucoup d'ironie, qu'ils ont su
cette fois apporté aux rôles, et dans laquelle vous puisez…
Valeria Bruni-Tedeschi :
Je vois, oui, mais honnêtement, les modes, les critiques,
les réputations, ça ne m'intéresse pas. Pour le personnage
de Pierre, que joue Anglade, j'avais besoin de quelqu'un qui
savait ce que c'était d'avoir choisi à un moment donné d'être
sérieux dans la vie. Ce qui n'empêche pas d'être drôle ! Quelqu'un
d'éthique, au contraire du personnage que joue Denis Podalydès,
qui a fait un choix de mensonge, de facilité. Anglade ne joue
pas à être un homme intègre, c'est ce que je voulais chez
lui.
Objectif Cinéma :
C'est assez joli d'ailleurs
ces deux séquences où vous le faites chanter, tout d'abord
L'Internationale dans la Jaguar... puis Les Marionnettes
avec Chiara et vous.
Valeria Bruni-Tedeschi :
C'est vrai, on voit les deux côtés du personnage. Si Bergman
n'avait pas déjà utilisé Les Marionnettes pour le titre
d'un de ses films, je n'aurais pas hésité. Mais l'auto-ironie
est très présente dans cette scène, où ce « grand »
révolutionnaire se met à chanter LesMarionnettes.
Au départ nous devions chanter une autre chanson, tous les
trois, et plus tard Chiara et moi, dans une autre scène, allions
chanter Les Marionnettes. Puis Anglade a pris la guitare
et s'est mis à jouer Les Marionnettes, son personnage
avait fait le choix, et je l'ai respecté. Une autre
chose importante dans le choix d'Anglade, c'est qu'il est
un homme séduisant malgré lui, sans faire d'effort. Je voulais
que les spectateurs aient une réaction à l'égard de mon personnage
du type, « mais regarde qui tu as à côté de toi, pourquoi
aller voir ailleurs ! » J'avais besoin que Pierre soit
l'homme qu'elle ne voit pas, qui ne force rien, qui est ce
qu'il est. Du coup elle devient sensible aux artifices de
l'autre. Elle est aveugle toute une partie du film.