L’entrée médiatique de
Xavier Giannoli dans le monde du cinéma s’est produite en
1997 avec L’interview, un court métrage multi-primé
les années suivantes (Palme d’Or du meilleur court métrage
en 1998 , César en 1999), dans lequel un journaliste
(Mathieu Amalric) cherchait désespérément à interviewer Ava
Gardner. Pourtant il avait déjà réalisé deux années auparavant
des courts métrages tout aussi prometteurs : J’aime
beaucoup ce que vous faîtes (ou comment parler d’un film
sans l’avoir vu) avec notamment Mathilde Seigner, et Dialogue
au sommet, discussion entre un patron et un ouvrier à
trente mètres au-dessus du sol (François Cluzet et Marc Citti).
Avec son compère Edouard Weil, il a également créé la
société de production Elisabeth Films, qui a notamment produit
Kennedy et moi (1999) de Sam Karmann, et Demonlover
d’Olivier Assayas, présenté à Cannes en 2002.
En avril 2003, Les corps impatients, le premier long
métrage de Xavier Giannoli sort en salles en France alors
que le cinéaste prépare son prochain film, A cause de la
nuit, avec Charlotte Gainsbourg.
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Objectif Cinéma :
J'avais lu dans le dossier
de presse que Maurice Pialat avait très important pour vous,
et après avoir vu le film, il est évident que vous regardiez
du côté de son cinéma.
Xavier Giannoli : Ca
me fait plaisir que vous le disiez. En effet, son cinéma a
été fondateur pour moi. À 16-17 ans, je voyais déjà beaucoup
de films, puis j'ai découvert L'Enfance nue qui fut
un choc complet, poétiquement, moralement. Il me semble aussi
que beaucoup de critiques, lorsqu'ils parlent de Pialat, oublient
à quel point il a révolutionné la narration, la structure
des récits au cinéma. Il me semble y avoir un courant qui
passe dans le cinéma, de Rosselini à Pialat, un peu chez Rivette,
à travers cette invention du récit. Puis des années plus tard,,
j'ai eu l'occasion de le rencontrer, tout d'abord dans le
cadre d'un document d'analyse filmique que je réalisais pour
les lycéens en Bac cinéma, à l'époque où le film d'examen
était A Nos Amours.
Je connaissais déjà Sylvie, sa femme, nous étions amis, puis
Pialat, qui habitait Toulouse à cette époque, est venu à Paris
et nous nous sommes rencontrés. Je me souviens aussi qu'il
m'avait mis en garde concernant ce document que j'allais réaliser.
Le livre de Joel Magny publié aux éditions des Cahiers
venait de paraître et il enrageait sur des passages tels
que « l'homo-pialatus », quelque chose de ce genre...
Là où Pialat est également très moderne, c'est dans la manière
dont ses films défient l'appareillage critique. Mais vous
savez, tout en l'admirant, ma rencontre personnelle avec lui
fut tardive, ce fut après Le Garçu. J'ai aussi une
activité de producteur, j'ai produit Olivier Assayas, j'ai
un projet avec André Téchiné... et donc après Le Garçu,
comme d'autres producteurs, je voulais naïvement le faire
sortir de Toulouse, le faire revenir au cinéma. Ça ne s'est
pas fait évidemment.
Mais là j'étais très content et très ému de venir à ce festival
de Yokohama. Il y a quelques années, Toscan du Plantier m'avait
invité à Yokohama lorsque j'avais remporté la Palme d'or du
court-métrage ; pour moi, il était le producteur de Pialat,
nous avons passé quatre jours à ne parler que de lui. Enfin,
je n'aurais pas pu faire Les Corps Impatients si je
n'avais pas tourné ce documentaire sur A Nos Amours.
C'est un peu comme dans En attendant Godot, ou l'on
dit à l'un des personnages « vous allez dans le mauvais
sens » et l'autre répond « non, j'ai besoin
d'élan ».
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