Entretien
réalisé
le 14 mars 2003 à Paris
Par Alexandre TSEKENIS
L’ensemblier travaille en étroite collaboration
avec le chef décorateur et sa contribution au décor d’un film
est souvent méconnue. Françoise Benoit-Fresco est ensemblier(ère)
pour le cinéma depuis une vingtaine d’années : On
ne meurt que deux fois, Cyrano, Le hussard sur le toit,Vidocq…ainsi
que plusieurs films de Claude Chabrol dont elle signe également
les décors.
Elle a également collaboré à des productions anglaises ou
américaines, comme le dernier film de Norman Jewison récemment
tourné en France.
Objectif Cinéma :
Quelle est votre définition
du métier d’ensemblier(ère) ?
Françoise Benoit-Fresco :
En simplifiant, le décorateur décide de l’architecture et des
couleurs. Moi, je suis la personne qui meuble, qui remplit les
espaces. L’esprit, l’atmosphère sont donnés par le décorateur.
Il signe le décor et est l’interlocuteur du metteur en scène.
Objectif Cinéma :
Comment se déroule la collaboration
ensemblier / chef décorateur ?
Françoise Benoit-Fresco :
Pour un décor studio, je travaille à partir des plans que me
donne le chef décorateur, sinon, nous allons ensemble voir les
repérages choisis. C’est une période pendant laquelle on travaille
beaucoup ensemble. Je ne montre pas grand-chose comme documents,
contrairement à d’autres qui utilisent le dessin ou les photos.
En revanche, on parle beaucoup, on discute des choix artistiques,
des références, de l’ambiance…Je fais des suggestions, on s’invente
des histoires pour recréer l’univers des personnages.
Chacun a son propre fonctionnement. Certains déco s’occupent
aussi des tissus ; moi, j’aime beaucoup les « chiffons »,
les matières, les couleurs. Disons qu’un ensemblier s’occupe
de beaucoup de choses. Ça commence avec le mobilier, les rideaux
ou les stores… Ça finit par le papier et le stylo posés sur
le bureau, le vide poche dans l’entrée… jusqu’au cendrier avec
le mégot.
Objectif Cinéma:
Sur certains films, comme ceux de Claude Chabrol, vous êtes
créditée comme décorateur.
Françoise Benoit-Fresco :
Je suis décorateur - j’ai d’ailleurs ma carte. Mais je préfère
être ensemblier (je déteste le terme ensemblière), j’aime les
meubles et les objets, la construction ne me passionne pas.
Sur les Chabrol, comme sur des premiers films, il y a en général
peu de construction et je peux remplir la fonction de décorateur.
Mais je suis honnête avec moi-même, c’est un métier que je n’ai
pas appris, je n’ai pas fait architecture. Donc, sans aucune
fausse modestie, je ne prétends pas être déco.
Objectif Cinéma :
Quelle est votre formation ?
Françoise Benoit-Fresco :
J’ai fait l’école des Arts-décoratifs, qui à l’époque comportait
une section unique. Et aussi un peu l’Ecole du Louvre. J’aimais
dessiner des objets, j’aimais la mode, je voulais fabriquer
quelque chose, mais je ne savais pas bien quoi ni dans quel
domaine.
J‘ai débuté en fabriquant des chaussures chez un bottier du
faubourg St-Honoré puis des accessoires pour les défilés des
grands couturiers, tout en détestant le milieu de la mode.
Ensuite, j’ai travaillé à Londres avec un architecte anglais
qui rénovait des appartements, et là, on se rapproche du décor
de cinéma. Il y a beaucoup de meublés à Londres, on me donnait
une surface donnée, pour un couple de tel âge, ou une famille…Et
je meublais en fonction des futurs locataires.