Né en 1966 à Fortaleza de père algérien et de mère brésilienne,
Karim Aïnouz étudie l’architecture et l’urbanisme à Brasilia
avant d’obtenir une Maîtrise en histoire du cinéma à l’Université
de New York. Il travaille comme assistant-monteur et assistant-réalisateur
sur plusieurs longs métrages américains, dont Poison (1990)
de Todd Haynes, avant de se faire remarquer pour le style
innovateur de ses courts métrages, O Preso (1992) et
Paixão nacional (1994). La “qualité poétique et la
puissance” de ces premières productions impressionne le réalisateur
et producteur Walter Salles (connu notamment pour Central
do Brasil). Ce dernier engage Karim Aïnouz pour co-écrire
son film Avril brisé (Abril despedaçado, 2003),
adapté d’un roman d’Ismaïl Kadaré.
La collaboration entre les deux hommes se poursuit avec Madame
Satã, le premier long métrage de Karim Aïnouz qui montre
la genèse d’une figure mythique du Rio bohème des années 1930.
Décrit par Aïnouz comme “une merveilleuse synthèse entre Joséphine
Baker, Jean Genêt et un Robin des bois des tropiques”, Madame
Satã est le nom de scène de João Francisco, un criminel noir,
pauvre et homosexuel qui rêve de devenir une vedette de cabaret.
Karim Aïnouz livre un portrait sensible, très troublant de
ce personnage “complexe et explosif” avant sa consécration
comme grande star du carnaval carioca, lorsque Madame Satã
n’était que João Francisco...
Objectif cinéma
: Walter Salles, votre producteur,
est aussi réalisateur et scénariste et s'impose comme le
Monsieur Cinéma du Brésil. Vous le connaissez bien ?
Karim Aïnouz
: Walter Salles et son frère, documentariste, ont une boîte
de production au Brésil. Ils offrent un programme de soutien
pour des jeunes cinéastes qui viennent souvent des favelas
et à qui ils prêtent le matériel de tournage et de montage.
J'ai rencontré Walter Salles en 1997 lors de la sortie de
son deuxième film en France, Terre lointaine. Il
était à Paris pour faire le faire le mixage de Central
do Brasil. Il a vu mon court-métrage parce qu'il était
jury d'un concours que j'ai passé au Sundance Institute.
Il a également lu mon scénario (pour Madame Satã).
Avec Madame Satã, ils ont commencé à produire des
premiers longs métrages et ils soutiennent aussi des réalisateurs
comme Nelson Pereira dos Santos (auteur de Vidas secas
(1963) ou Mémoires de prison (1984), NDLR), qui a
70 ans et qui n'a pas tourné depuis 10 ans.
Objectif cinéma
: C'est un mécène ?
Karim Aïnouz
: Il est très riche, mais il n'investit pas son argent.
Plutôt qu'un mécène, je dirais que c'est un vrai producteur.
Par exemple, il a exigé que Canal Plus, qui devait développer
un de ses films, développe aussi d'autres films brésiliens,
dont le mien. Il fait bouger les choses et il soutient le
cinéma brésilien avec beaucoup de force. Je crois que c'est
quelqu'un qui a besoin d'un réseau intellectuel, d'une communauté.
Son père était un diplomate, et quelque part, il a hérité
de ce parcours d'ambassadeur.