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Hurlements  (c) D.R.

Objectif Cinéma : De manière générale, tout le film est teinté d’un fantastique discret, confiné...

Emilie Deleuze : J’éprouve une vraie passion pour le fantastique, aussi bien en littérature qu’au cinéma. J’étais accro au genre dans les années 70. De 1920 à 1980, mes références sont extrêmement vastes et il n’y a pas un film qui m’ait échappé. Le film qui m’a le plus impressionné, c’est Hurlements (Joe Dante, 80). Ce film n’a rien d’extraordinaire aujourd'hui, mais à l’époque, il m’avait profondément angoissé. J’adore le personnage de Freddy Krueger, qui trouve toujours une petite blague avant de tuer. J’aime aussi son style, ses vêtements, sa façon d’être… Plus ça va avec le temps, plus je me dis que je deviens froussarde. Par l’exemple, rien que l’idée de voir des vampires dans une pub à la télé me procure des frissons. Il est clair qu’en France, le genre se développe mal parce qu’on le considère comme mineur. C’est dommage. Aujourd’hui, pour ce qui est de la novation en matière de fantastique, il faut rechercher du côté des asiatiques: j’aime beaucoup Ring (d'Hideo Nakata, 00) auquel tu as fait référence. Je n’ai pas vu le remake américain, mais je n’ai pas envie de le voir.


Objectif Cinéma : Justement, son unique intérêt, c’est une scène ajoutée par rapport au film originel, avec un cheval fou sur un bateau qui fonce sur le personnage principal. Cela nous renvoie à votre film.

Emilie Deleuze : Oui (sourire). Je trouve dommage de reprendre ces histoires tellement ancrées dans le style japonais. Les réalisateurs de là-bas sont très forts là-dessus. Tu n’as qu’à voir Audition (Takashi Miike, 01). Quand je suis allé le voir, je ne pensais pas me retrouver devant un film avec une telle fin, surtout celle-là, quand on voit le début, très lent, presque à l’eau de rose. L’héroïne est tellement innocente, habillée toute en blanc… Insoupçonnable. Si bien que lors des scènes finales, je gloussais, j’avais le manteau sous les yeux. J’étais profondément mal à l’aise. A la fin du film, la personne qui était avec moi est tombée dans les pommes. On s’est assis devant le cinéma pour reprendre nos esprits, j’ai allumé une cigarette et soudain le type de l’UGC est venu me voir pour me dire : «On n’a pas le droit de fumer ici». Et moi, de lui répondre : on sort d’Audition. Et là, l’homme de changer de ton : « Ah, alors je comprends, vous pouvez fumer» (rires).

  Audition (c) D.R.

Objectif Cinéma : Dans votre film, on ressent vraiment la peur qu’on peut avoir avant d’entrer dans le box d’un cheval.

Emilie Deleuze : C’est exactement ce que je voulais rendre. J’ai pratiqué l’équitation, donc évidemment, je me suis servie de mes expériences. Le box du cheval est un univers à part. L’idée était de montrer comment, lorsqu’un homme entre dans un box, il est souvent confronté à un univers bestial, avec des règles en quelques sorte. C’est valable pour toutes les bêtes. Je voulais insister sur le fait que ce lieu est régi par des bêtes avant tout. D’ailleurs, ce serait faux de dire que Mister V. s’humanise dans le film...


Objectif Cinéma : Si Mister V. ne s’humanise pas, il n’est pas de même pour Lucas qui, lui, s’animalise: il va même jusqu’à vivre comme un cheval, en dormant dans un boxe.

Emilie Deleuze : Oui. Pour lui, le fait qu’il se comporte comme un cheval est le début d’une longue descente aux enfers. Mais il s’en sort, donc ça se finit bien pour lui.


Objectif Cinéma : Votre mise en scène est très étudiée : on part d’une partie du corps d’un personnage pour le voir par la suite dans son intégralité. Un peu comme pour le personnage d’Aure Atika dont on voit les pieds puis tout le corps.

Emilie Deleuze : La mise en scène est primordiale au cinéma, pour raconter une histoire, pour situer des personnages. Pour tout. Sans mise en scène, c’est simple : on n’a pas de film. Ça me fascine d’ailleurs toujours autant quand on m’explique que la mise en scène passe après l’histoire. Je ne trouve pas que ce soit exact.