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Musée Lumière (c) D.R. DOMINIQUE PAÏNI
Théoricien et penseur du cinéma
Entretien réalisé
le 20 juin 2003, à Lyon
par Bernard PAYEN


« J’ai exposé des œuvres faites de temps »

Doit-on encore présenter Dominique Païni ? L’homme élégant à la crinière argent a déjà vécu plusieurs vies tant son enthousiasme et son énergie sont débordants. Responsable de salles Art et Essai parisiennes de 1977 à 1988, puis directeur des productions audiovisuelles au Musée du Louvre pendant trois ans, il entame en 1991 ce qui restera l’une des décennies les plus importantes de sa vie, dix années « merveilleuses », pendant lesquelles il est directeur de la Cinémathèque française.

En 2001, il devient directeur du développement culturel au Centre Pompidou, où il continue d’ériger son « grand œuvre ». Après « Hitchcock et l’art » en 2001, ce sera « Jean Cocteau, sur le fil du siècle » en 2003, avant la création d’un événement autour de Jean-Luc Godard en 2004.

Entre temps, Dominique Païni a planché avec la scénographe Nathalie Crinière sur le renouveau du musée Lumière à Lyon, inauguré à l’occasion des vingt ans de l’Institut Lumière, en juin 2003.

L’occasion d’un entretien où Païni, théoricien et penseur du cinéma, évoque les idées qu’il a développé dans Le temps exposé au cinéma (éd. Cahiers du Cinéma, 2002).



  Villa Lumière (c) D.R.

Objectif Cinéma : Inaugurer aujourd’hui à Lyon ce musée du cinéma Lumière est pour vous, en quelque sorte, la concrétisation d’une réflexion et d’un intérêt que vous avez depuis longtemps pour l’idée d’un « musée de cinéma ».

Dominique Païni : J’ai toujours pensé que l’avenir des cinémathèques allait dans deux directions. La première, c’est qu’elles reproduisent leurs collections sur de nouveaux supports numériques. La deuxième, ce sont les musées. Henri Langlois, l’avait compris très tôt. Quand il a créé la Cinémathèque française, elle s’appelait d’abord « musée du cinéma », avec marqué dessous, en tout petit, « Cinémathèque française ».  La première chose que j’ai faite quand je suis arrivé à la Cinémathèque française a été de remettre aussi gros, en dessous, « musée du cinéma ».  C’est bien parce qu’elle est LE musée du cinéma qu’elle est Cinémathèque française.

Dans le cadre du phénomène très grand public des expositions dans les années 60, je sentais que, pour le cinéma, le vecteur de l’exposition pouvait, d’une certaine manière, relayer la désaffection relative du public cinéphile dans les cinémathèques. Il me semblait être un champ nouveau pour exposer le cinéma. Dans mon esprit, il ne s’agissait pas d’ailleurs de musée du cinéma, mais de musée de cinéma, c’est-à-dire utilisant le cinéma lui-même pour être exposé. Entre temps, le numérique est intervenu, il donne la possibilité de reproduire et de diffuser les films dans des conditions nouvelles : par exemple, lorsque vous exposez sur la cimaise d’un mur la séquence d’un film, vous n’avez plus le temps nécessaire de la restitution de la réserve, du réembobinage, le numérique vous met en boucle immédiate une séquence de film. C’est la vieille idée de Godard, qui disait en 1979 : « Comment voulez-vous faire l’histoire du cinéma comme on fait de l’histoire de l’art, puisque les films ne peuvent pas être comparés, ou alors cela voudrait dire qu’il y ait deux écrans dans une salle, et c’est assez compliqué. » La vidéo - et plus encore le numérique - permet enfin de comparer les films, de faire de l’histoire de l’art.