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  Cinémathèque Française (c) D.R.

Objectif Cinéma : Et qui dit temps, dit mélancolie...

Dominique Païni : Le cinéma filme du temps révolu. Et dans l’image même, la vue Lumière, c’est la première image virtuelle. Parce qu’une vue Lumière restitue le présent du passé et le présent de l’avenir. Dans une vue Lumière, ce qui frappe, c’est que ce qui passe et disparaît de l’image. Ce qu’il advient, ce qui entre dans l’image, c’est du futur qui était présent et qui était à advenir. C’est ce que Freud, à la même époque de « l’invention » du cinéma, appelait la « figurabilité », c’est à dire ce qui tend vers la figuration. Une vue Lumière restitue, donne, montre, ce qui tend vers la figuration. Cela n’en est pas encore, ça l’est, et puis ça ne l’est plus. Freud parlait de « figurabilité » pour le rêve. Ontologiquement, la nature même du cinéma, c’est effectivement de la mélancolie. C’est ce qui n’est pas encore advenu mais c’est ce qui est déjà survenu. C’est ce mouvement permanent qui au fond est l’éphémère, l’intangibilité de l’éphémère, que la vue Lumière restitue. C’est ce que j’ai essayé d’exposer et que je voulais exposer dans le Musée du Cinéma de la Cinémathèque française si on m’avait permis de le faire en temps voulu.

J’ai eu une liberté complète pour faire ce musée avec Nathalie Crinière. Un musée de cinéma c’est comme un film, on ne peut pas imaginer que le metteur en scène n’ait pas son opérateur. Dans le cadre d’un musée de cinéma, on demande peut-être plus de choses à un muséographe, parce qu’il construit le discours, mais la scénographie est fondamentale car elle incarne, elle réalise, comme l’opérateur réalise et incarne dans son image les désirs du metteur en scène. Je travaille beaucoup avec Nathalie Crinière, qui écoute, comprend, réfléchit, s’adapte, comme l’opérateur s’adapte aux désirs du metteur en scène. Je me vis un peu comme ça ici, je ne fais pas de films, je n’en ferai jamais, je n’ai jamais eu envie d’en faire, je préfère avoir le plaisir de les voir et de les montrer que le malheur de les faire !  Même si j’écris, j’estime que mon vrai travail d’auteur, depuis quelques années, c’est l’exposition de cinéma. C’est ma manière de faire de l’histoire du cinéma et de faire de l’esthétique.

Cinématographe Lumière (c) D.R.

Objectif Cinéma : Une autre dimension intéressante de ce musée Lumière, c’est le lien que vous faites avec le présent, la présence d’œuvres récentes de Chantal Akerman ou d’Alain Fleischer...

Dominique Païni : Dans ce musée, je montre effectivement des artistes d’aujourd’hui qui continuent cette grande tradition, je suis aussi allé jusqu’à parler de Pathé Gaumont, car pour moi, ce sont des grands continuateurs des Lumière, ils ont exposé eux aussi industriellement la praticabilité du cinématographe, de la même manière que les Lumière avaient transformé industriellement les inventions qui existaient avant eux. Pour moi, un musée de cinéma sert à faire de l’histoire du cinéma, pour que cette histoire du cinéma produise de l’esthétique. Il est faux de dire que l’histoire du cinéma n’est qu’une suite chronologique d’éléments qui se sont enchaînés, cela voudrait dire que le mouvement de l’histoire tend vers un but prédéterminé, et ça ne sert pas à faire de la pensée. Or, la seule raison de faire de l’histoire du cinéma, c’est faire de l’esthétique. Sinon à quoi ça servirait ? Faire de l’histoire, ce n’est pas enchaîner des événements, mais les mettre en relation. Et un musée du cinéma, c’est assez intéressant pour comparer, rapprocher. Et de ce point de vue-là, les histoires du cinéma de Godard ont été évidemment de grands modèles ces dernières années.



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Nathalie Crinière :
site de l’architecte et scénographe