Entretien
réalisé
à Paris, le 29 octobre 2003
Par Cécile GIRAUD et Nadia MEFLAH
ELOGE DE LA NONCHALANCE
Ce qui se dégage à la découverte de ce
premier long-métrage (après 4 films dont deux moyens métrages,
Du soleil pour les gueux en 2000, Ce vieux rêve
qui bouge en 2001, remarquables à tout point de vue) est
ce sentiment d’une grande liberté paresseuse. Quelque chose
qui se délite doucement dans l’ordre de la perception convenue
d’un film (mais que voyons-nous ? Que se passe-t-il ?)
pas si éloigné des sensations fantastiques des derniers Chabrol
par exemple. Sauf que Guiraudie y ajoute le plaisir du non
sens mâtiné de langueurs faussement détendues. Pour l’exemple,
ce plan fixe sur une fenêtre ouverte la nuit et un jeune homme,
un de nos 3 héros, qui va, vient, s’accoude et regarde dehors
au cas ou… Rien ne se passe, le spectateur tout comme lui
attend. Mais quoi ? Faux suspens, la sentence tombe :
« Mais qu’est-ce que je me fais chier ! »
Ce pourrait être le manifeste du cinéma guiraudien, faire
en sorte de ne point faire chier ses personnages, et se garantir
un public sous le charme d’un cinéaste conscient de son devoir
de divertissement.
Equilibre précaire qu’assure avec classe (celle du peuple)
et légèreté (celle du tragique) Pas de repos pour les braves.
Rencontre avec un homme de cinéma
Objectif Cinéma :
Comment s’est passé le festival
de Cannes pour toi avec ton film en sélection à La
Quinzaine des Réalisateurs ?
Alain Guiraudie :
Ca s’est bien passé, mais je ne sais pas trop quoi en penser.
Lors de la première séance publique de Pas
de repos pour les braves, les gens se marraient
beaucoup, alors qu’il n’y a pas toujours lieu de le faire.
Apparemment, les gens avaient vraiment envie et besoin de
rigoler… Bon, je me suis dit on va attendre d’autres projections.
Objectif Cinéma :
La presse était assez mitigée sur ton film, elle le considérait
un peu brouillon…
Alain Guiraudie :
Ils ont ressenti mon film comme assez confus. Mais c’est
une confusion que j’assume. Pour moi c’est très clair. C’est
quelque chose que j’ai écrit alors que j’avais 18 ans.
Objectif Cinéma :
Comment es-tu passé du court
au long ? Cela a-t-il changé quelque chose concrètement,
quand on sait que la durée et le rapport au temps était
intrinsèque à tes précédents films ?
Alain Guiraudie :
Il n’y a pas eu de réelles difficultés sur le tournage,
outre le fait qu’il a fallu tourner en 8 semaines, c’est
un peu compliqué pour s’organiser. Mais le film a pris un
rythme différent entre celui qu’il avait à l’écriture du
scénario et au moment du tournage. Il y avait une grosse
différence. Au jour le jour, chaque séquence prenait un
autre rythme, peut-être parce que j’ai pris confiance en
moi, petit à petit, je me sentais un peu plus tranquille
par rapport à ça, au fur et à mesure du tournage. A l’arrivée,
je me suis retrouvé avec un film de 2h45. Finalement, en
termes de durée, les ennuis ont réellement commencé au montage.