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Alain Guiraudie (c) D.R.

Objectif Cinéma : Le film a un rapport à la fois simple et complexe au temps, il concentre des moments très étendus, tout comme avec l’espace.

Alain Guiraudie : Trois mois en une collure, en une fraction de seconde ! J’aimais bien ce récit tout en ruptures, où l’on fait 25 000 km comme 10 kilomètres en cinq minutes. Avec en même temps le macro et le micro, l’infiniment grand et l’infiniment petit. La géographie de cette affaire est très relative, quand même. Au niveau de la durée, il a fallu couper. J’ai fait un premier montage de 2h20, mais pour moi c’était encore trop long. J’ai resserré comme je le devais. On me dit souvent qu’il y a un quart d’heure en trop. La transition entre ce qu’on appelle la première partie et la seconde partie (avec les bandits) passe assez mal pour beaucoup de gens. Je ne sais pas trop à quoi c’est dû. Bon, je l’entends, je me demande où j’aurais dû faire plus court et comment j’aurais pu faire. Et finalement, j’en viens à me demander s’il ne manque pas un quart d’heure ! Ce qui expliquerait cette impression qu’ont les gens d’être dans un faux rythme, mais même là, je ne suis pas fana de cette idée. J’ai l’impression d’être dans la bonne durée. J’ai trouvé la bonne structure, le bon rythme du film, en resserrant au maximum, quitte à remettre autre chose ensuite. Ce qui ne m’était pas arrivé précédemment. C’est la première fois que je mets autant de pellicule à la poubelle. Après il y a une chose évidente, c’est vachement dur de prendre à bras le corps un film de 2h qu’un film de 50 min. Arriver à en faire une boule toute ronde que tu puisses visualiser d’un seul regard, en faire un seul bloc dans ta tête, quelque chose que tu arrives toi même à embrasser d’un seul coup. Je suis moins à l’aise avec celui-là.


Objectif Cinéma : Est-ce à dire que tu reviendras à cette forme plus courte qui te permet de voir d’un seul bloc le film ?

Alain Guiraudie : Non, car tu vois, aujourd’hui, je tends vers le plus long. J’ai envie d’épopées, de choses épiques, avec beaucoup de personnages, beaucoup de monde et des trajectoires différentes.


Objectif Cinéma : Un peu comme Lucas Belvaux et sa trilogie ?

Alain Guiraudie : Le côté « feuilleton » m’intéresse. Mais le film choral m’intéresse moins. C’est agréable en tant que spectateur, mais pas en tant que cinéaste. Elephant m’a en revanche beaucoup plu.

  Pas de repos pour les braves (c) D.R.

Objectif Cinéma : Dans ton cinéma, on a l’impression que c’est toujours le même paysage, il est très inscrit dans le territoire, très circonscrit, mais en même temps très abstrait.

Alain Guiraudie : Avec ce dernier film, c’est complètement autre chose. Il n’y a pas un décor unique, il n’y a pas les 4 ou 5 personnages que l’on avait l’habitude de voir Je nourrissais ce projet depuis longtemps, et le reste m’est venu naturellement. Mes autres films, je les ai faits par défaut car je n’arrivais à mettre en place celui-ci.


Objectif Cinéma : Pourrait-on dire que ton film est une histoire de peau, de passage entre deux collures d’une scène, quasi fantastique.

Alain Guiraudie : C’est le film dans lequel j’ai mis toutes mes envies de cinéaste. Avec l’idée de jouer avec le fantasme, avec le rêve, passer du rêve à la réalité. Ce sont des sensations de mômes, l’impression de parcourir 10 km en quelques secondes. Cela vient de mon envie de cinéma, de quelque chose de très jubilatoire, de très ludique. Le moment de tous les possibles. Il y a à la fois le parcours de ce jeune mec qui cherche sa place dans le monde, et aussi mon parcours de cinéaste, ou en tout cas, mes désirs qui sont là, entre ces divers niveaux de fictions : fiction socio-réaliste, la fiction onirique, la fiction de genre… On glisse d’un genre à l’autre.