Objectif Cinéma :
J’ai souvent une drôle de sensation en regardant vos films,
entre le sentiment que chaque plan a été tourné comme si c’était
le dernier de votre vie, et en même temps celui de regarder
chaque plan comme si c’était le premier de l’histoire du cinéma…
Une sorte de paradoxe mélancolique en quelque sorte… Guy Maddin :
On a pu déceler dans mes premiers films une ambiance mélancolique,
mais je ne suis pas du tout quelqu’un de mélancolique, c’était
accidentel, je suis davantage intéressé par le domaine de
la rêverie, tout ce qui est relié au rêve m’intéresse, que
ce soit une musique, une drogue, voire un bon gâteau !
(rires).
Objectif Cinéma :
Pourquoi selon vous, votre
cinéma n’est pas aussi reconnu qu’il pourrait l’être aujourd’hui ?
Guy Maddin :
Je dois peut-être changer d’agent ? (rires). J’ai
peut-être fait aussi en sorte que mes films soient eux-mêmes
des objets étranges dans lesquels on ne rentre pas très facilement.
Mais Dracula est un film de genre, les gens savent
tout de suite de quoi il s’agit, ils identifient le mythe.
En Amérique du Nord, le film a d’ailleurs très bien marché.
En faisant ce film, j’ai peut-être appris à être plus positif,
moins original et à être moins « rigide » aussi
dans ma manière d’aborder les films.
Objectif Cinéma :
Vous avez utilisé pour la première
fois des techniques numériques en postproduction, vous avez
retravaillé certains plans après le tournage, comment s’est
organisé le travail ?
Guy Maddin :
J’ai utilisé de nombreux effets numériques, notamment pour
que le sang ait un aspect artisanal. On a aussi effacé un
technicien qui était en train de fumer dans un plan, et aussi
une crotte de nez d’une danseuse du ballet (rires).
Les effets numériques nous ont été très utiles dans ces deux
cas précis…
Objectif Cinéma :
Comment dirige t-on les acteurs
d’un film muet ?
Guy Maddin :
Les danseurs de ballet sont de très bons mimes, je devais
juste leur donner quelques indications, ils avaient de toute
façon de très bonnes idées. Ils se déplaçaient avec une grâce
et une poésie que je n’avais pas vues au cinéma depuis les
années 20 ! C’était un rêve qui se réalisait : j’avais
enfin des acteurs qui convenaient parfaitement à ce type de
film muet. Mon film suivant était « normal », et
j’ai eu un peu peur au début de ne plus savoir diriger à nouveau
un film parlant.