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The Heart of the world (c) D.R.
Objectif Cinéma : Heart of the world, le court-métrage que vous avez réalisé juste avant, a été très important dans l’évolution de votre carrière et de votre style, vers notamment plus de radicalité dans l’utilisation de la musique et l’absence de dialogues.

Guy Maddin : Avant de faire Heart of the World, je faisais des films assez lents, et je promettais aux gens que je croisais dans les festivals que j’allais faire un film plus rapide. Et pour ce film, j’ai essayé de raconter une histoire très rythmée en six minutes avec le plus d’éléments possible. On y retrouve l’esprit de la propagande, avec une musique de film de propagande soviétique pour appuyer cette ambiance. La musique fonctionnait tellement bien que je l’ai laissé tout le long. Pour Dracula, c’était plus difficile car la musique existait avant les images, il fallait vraiment monter le film en fonction de la musique. Par moments j’avais l’impression que l’atmosphère n’était pas assez pesante, c’est pour cela que j’ai rajouté cette musique de Malher pour assombrir davantage l’ambiance du film. Je m’excuse auprès du fantôme de Malher ! (rires).


Objectif Cinéma : Dracula n’aurait pas été le même film si vous n’aviez pas réalisé Heart of the World juste avant…

Guy Maddin : Oui, c’est vrai. Heart of the World m’a donné le courage d’être « primitif ». La meilleure solution que j’ai trouvée pour réaliser Dracula, c’était de le filmer comme j’avais filmé Heart of the world, en super 8, en équipe réduite.


  The Heart of the world (c) D.R.
Objectif Cinéma : Primitif, c’est aussi une dénomination pour le cinéma des premiers temps…

Guy Maddin : Oui, bien sûr, les débuts du cinéma comptent beaucoup pour moi, tout comme la façon de dessiner d’un enfant de cinq ans… Regardez la façon dont Picasso a dû réapprendre à être un enfant pour rendre à son tour ses peintures primitives, pensez aussi à l’art tribal, et à tout ce qui ne coûte pas des millions de dollars. J’ai envie de sentir qu’un film est fait avec des mains d’homme et non par une industrie. Les spectateurs décèlent peut-être facilement les trucages du film, mais cela ne me dérange pas… J’ai toujours été un « primitif » et je n’ai pas appris plus de choses depuis la première fois que j’ai utilisé une caméra. C’est un peu comme la façon dont Tom Waits fait ses disques, on a l’impression qu’il les a enregistrés dans son garage. Cela ne me dérange pas quand, sur un plateau, la lumière est surexposée ou que le cadre est un peu de travers, j’ai envie de retrouver un peu une ambiance d’école maternelle.


Objectif Cinéma : Comment retrouver cette ambiance dans une équipe de tournage assez importante ?

Guy Maddin : Pour Dracula, nous étions environ quinze sur le plateau, ce qui est encore une petite équipe.  Il est évident qu’il ne doit pas y avoir de véritable ambiance d’école maternelle sur le tournage du Seigneur des Anneaux ! Mais pour prendre un contre-exemple, c’était peut-être le cas sur le tournage de Kill Bill, car Quentin Tarantino a un côté très gamin… J’ai fait dans le passé deux films avec seulement deux personnes sur le tournage. Sur le tournage de Tales from Gimli Hospital, il n’y avait que moi dans l’équipe technique ! Cela peut sembler mal de vouloir réaliser des films de cette façon, mais il y a un côté très libérateur, une façon très « nouvelle vague » de filmer aussi…