Entretien
réalisé
le 4 septembre 2003
par Alexandre TSEKENIS
Pour de nombreuses productions françaises
à grands décors, un homme travaille chez lui, à l’ombre de son
ordinateur. Il agrandit les décors, transforme la lumière, parfois
crée entièrement certaines images du film. Jean-Marie Vivès
est dans la lignée des grands « truqueurs » du cinéma,
mais tenant en main l’outil numérique et ses vertigineuses possibilités.
Comme les scènes d’hallucinations de Blueberry, en tout
20 minutes d’animation en 3D.
Objectif Cinéma :
Le matte-painter est un peintre
qui peint des images « cachées » ? Ou avez-vous
appris la peinture ?
Jean-Marie Vivès :
Je suis né un crayon à la main. A 15 ans, je suis entré
à l’école d’Arts graphiques Maximilien Vox, située rue Madame
à Paris. C’était une école peu connue, fondée par des anciens
prix de Rome qui voulaient partager leur savoir. Ces professeurs,
vraiment géniaux, savaient vraiment nous transmettre leur
amour de l’art. Comme je comprenais bien les mathématiques,
on me poussait à préparer les grandes écoles, mais je voulais
poursuivre dans la voie du dessin et j’ai tenu bon.
Objectif Cinéma :
Comment arrivez-vous au cinéma ?
Jean-Marie Vivès :
Vers 1975, j’étais illustrateur indépendant et je galérais.
La France a une culture littéraire bien ancrée, on n’a jamais
été un pays d’images et je pensais partir aux Etats-Unis
ou en Angleterre. Par un concours, de circonstances, j’ai
fait une exposition et rencontré des gens dans le milieu
du cinéma d’animation.
A cette époque, Alain Resnais qui souhaitait des glass-painting
(1) pour La vie est un roman. J’ai donc reconstitué
les dessins d’Enki Bilal sur verre, ils étaient placés devant
la caméra et filmés. Contrairement à l’habitude, Resnais
ne voulait surtout pas que ça s’intègre à l’image. Si c’était
le cas, il était déçu car il tenait absolument à un effet
de placage.
Après cette première expérience dans le cinéma, j’ai continué
en faisant des glass-painting pour des long-métrages et
surtout des films de pub. Je travaillais la nuit et ils
tournaient le jour, c’était en studio, car le procédé ne
fonctionne bien qu’en lumière constante. Même si on obtenait
de bons résultats, ce trucage restait très artisanal, empirique,
à la limite du professionnalisme. J’étais sûr que, pour
l’améliorer et pouvoir filmer en extérieurs, il fallait
faire ce travail en post-production.