En cinq décennies, le nom de Jacques Saulnier
a été associé aux décors de quelques cent vingt films - en
comptant ceux comme assistant de Max Douy ou Alexandre Trauner.
Débutant avec le cinéma noir et blanc des années cinquante,
c’est dans le sillon de la Nouvelle Vague qu’il deviendra
chef décorateur, travaillant par la suite avec de nombreux
réalisateurs, notamment Henri Verneuil et Pierre Granier-Deferre.
Déclarant volontiers : « Mon métier, c’est avant
tout le studio », Jacques Saulnier défend sa conception
du décor à travers une longue collaboration avec Alain Resnais.
Une collaboration toujours d’actualité avec Pas sur la
bouche, tourné au printemps 2003 sur les plateaux d’Arpajon.
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Objectif Cinéma :
Qu’est-ce qui vous a conduit à étudier
le décor de cinéma ?
Jacques Saulnier : Ma
motivation était l’architecture. Au début des années 50, alors
que je préparais l’entrée aux Beaux-arts (section architecture),
je me suis présenté également à l’IDHEC, ce qui était quelque
peu osé de ma part. Les épreuves d’admission avaient lieu
aux mêmes dates, le matin j’étais à l’IDHEC, l’après-midi
aux Beaux-arts. Les programmes étaient très similaires, avec
une épreuve en plus sur le cinéma à l’IDHEC. Pour moi, c’était
assez facile car j’étais cinéphile et m’occupais du Ciné-Club
Universitaire. Il y avait quand même 3 ou 4 séances par semaines
et j’y ai vu beaucoup de films français et américains.
J’ai été reçu seulement à l’IDHEC. L’architecture est un peut-être
un métier plus sérieux, mais il y a tellement peu d’architectes
qui peuvent travailler raisonnablement, à cause des contraintes
financières ou politiques. Finalement, je ne regrette pas
d’avoir choisi le cinéma. La section décor de l’école était
dirigée par Hugues Laurent, nous étions trois étudiants dans
ma promotion : François de Lamothe (1), André Guérin
et moi-même. On était capable de dessiner un escalier en colimaçon
1900, une porte moulurée, le détail d’un meuble art-déco.
Ce n’est plus ce qu’on enseigne ni aux Beaux-arts, ni à La
fémis, mais sans doute encore à l’Ecole Boule.
Objectif Cinéma : En dehors
de l’IDHEC, d’où venaient les décorateurs de cinéma de
l’époque ?
Jacques Saulnier : Certains,
comme Max Douy, avaient appris sur le tas. Il y avait des
architectes diplômés comme Lucien Aguettand, d’autres qui
avaient fait peinture, ou diverses écoles de dessin. Il y
avait aussi des anciens assistants de Trauner, et ce fut également
mon cas, j’en suis toujours assez fier. J’ai été assistant
pendant une dizaine d’années pour Trauner, Douy, Jean André
et Jacques Colombier. J’ai essayé de prendre les qualités
de chacun, et d’éviter leurs défauts -ce qui ne m’empêche
pas d’avoir mes propres défauts, bien sur.
Cette période d’assistanat est nécessaire, car on n’apprend
pas tout dans les écoles. Ça manque aux jeunes décorateurs.
Aujourd’hui, ils ont envie de démarrer très vite. Personnellement,
je n’étais pas pressé de travailler seul, j’avais l’impression
qu’il fallait savoir tellement de choses. A chaque film, on
s’attaque à un sujet différent qu’on connaît peu, et c’est
ce qui est passionnant.
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