Objectif Cinéma :
La
première prise a été la bonne, ou bien vous avez tâtonné ?
Devrim Alpöge : J'ai montré
la première version à un ami scénariste. Il m'a dit que mon
idée de départ était bonne, mais qu'il n'y avait pas de concept
qui lui donnait sa justification. Pour lui, puisque ces objets
vivent, il m'a proposé de résumer la vie, de la naissance
jusqu'à la mort. Cela donnait un concept, il ne restait qu'à
trouver le titre. On y a passé des semaines pour choisir
Et
le corps fut, qui revenait à cette idée de genèse. Il
a fallu faire aussi un bon nombre d'essais avec les emballages
pour jouer sur les différentes couleurs, sur le différent
degré d'élasticité des plastiques. Au total, j'ai tourné une
cinquantaine de minutes pour n'en garder que trois minutes
vingt-sept.
Objectif Cinéma :
Vos
idées sont très simples, liées au quotidien. C'est votre vision
du cinéma ?
Devrim Alpöge : Je ne suis
pas impressionné par David Copperfield. Par contre, un gars
dans la rue qui fait son petit tour de cartes me fascine.
Pour moi, les idées les plus simples sont les meilleures.
Et c'est ce que je veux faire au cinéma. Je n'ai pas fait
les Beaux Arts, ni de l'art vidéo. Et cela ne m'intéresse
pas. En tant que réalisateur, je veux m'attacher à des détails
insignifiants, à la portée d'un enfant. Ce qui ne m'empêchera
pas de traiter de problèmes complexes comme le regard que
l'on porte sur l'étranger, mais toujours à partir d'histoires
simples.
Objectif Cinéma :
Quels
sont vos projets ?
Devrim Alpöge : J'ai un court-métrage
en préparation,
La Dispute. Mais c'est assez compliqué,
car les maisons de production ont de grosses réticences vis-à-vis
des films de trois minutes. Dans le court métrage, il faut
qu'on perçoive obligatoirement une prétention à faire du long.
Les professionnels ne considèrent pas le court comme un format
à part entière. Pour moi, le court est au film ce que la nouvelle
est au roman. Or, ce qui fait l'intérêt de la nouvelle, c'est
le fait que ce soit un genre en soi, pas un roman réduit.
Et moi je n'ai pas envie de faire des films miniatures. Mais
en fait, ce que je reproche aux maisons de production ce n'est
pas leur frilosité par rapport au format trois minutes ou
à la vidéo, c'est plutôt leur manque de respect par rapport
à ceux qui leur proposent des projets. Pour
La Dispute,
j'ai dû déposer 10 à 15 dossiers et je n'ai reçu que deux
réponses. Les maisons de productions ne se rendent pas compte
combien l'attente d'une réponse qu'elle soit négative ou positive
peut être insupportable.