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Objectif Cinéma
: Comme avec la caméra de votre
père vous étiez contraints de filmer en trois minutes, n'avez-vous
pas aussi développé une conception particulière de ce qu'est
la fiction ?
Devrim Alpöge : Peut-être.
C'est difficile de s'auto-analyser. Tout ce que je sais,
c'est que je réalise des films de trois minutes, car pour
l'instant je ne me sens pas capable d'aller au-delà.
Objectif Cinéma : Pour
en revenir à La Cigarette, comment avez-vous eu l'idée
de filmer uniquement des pieds ?
Devrim Alpöge : Je prends
le métro tous les jours, et quand il y a du monde et qu'on
est assis sur un strapontin, la seule chose que l'on voit,
ce sont des pieds. Il est intéressant d’imaginer ce qu'il
y a au-dessus. Cela fait jouer l'imagination du spectateur,
et dans La Cigarette, je traite de ce décalage. Grâce
à tout un jeu sur le son et des entrées d'objets dans le
champ, j'ai essayé de raconter la recherche d'un mégot par
un clochard auprès de gens attroupés à un abribus. Je pense
que le scénario est assez bon, mais le tournage est raté.
L'idée nécessitait un plan séquence, parce que si j'insérais
des coupes, le spectateur n'aurait pas eu cette notion d'espace
que je voulais mettre en place. Sauf qu'avec un plan séquence,
si on rate une seule seconde, l'effet perd de son efficacité,
et c'est ce qui s'est passé. De plus, comme je n'avais pas
d'équipe autour de moi, cela ne me permettait pas de refaire
indéfiniment. En le montrant à des amis, je voyais bien
que quelque chose ne fonctionnait pas. Je l'ai proposé à
Canal + qui l’a refusé. Après, je n'ai pas poursuivi les
démarches. Si, un jour, je trouve un financement, j'essaierai
de le retourner.
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Objectif Cinéma
: Cet échec vous a-t-il fait
douter ?
Devrim Alpöge : Forcément
un peu. Mais pas trop, car j'ai très vite trouvé une autre
idée de film.
Objectif Cinéma : Grâce
à des emballages !
Devrim Alpöge : Tout à fait.
J'étais chez des amis quand avant de quitter l'appartement,
l'un d'entre eux a plié un emballage de cigarette ou de
barre chocolatée, je ne sais plus, et l'a placé dans un
cendrier. L'emballage s'est mis à bouger tout seul pour
prendre une forme étrange, comme s'il était vivant. Je me
suis dit qu'il y avait une idée à fouiller. Celle de faire
un film de montage que j'aurais pu présenter au Festival
Nemo, qui soutient des productions indépendantes et expérimentales.
Cela peut paraître calculateur, mais je déteste faire les
choses pour rien. Je me suis donc mis à collectionner des
emballages au grand désespoir de mon entourage. Pour ce
film, la musique allait être primordiale, elle allait soutenir
l'intensité dramatique. Je l'ai trouvé à RFI, où je travaille
comme réalisateur. Il y avait le Cd d'un compositeur turc
qui correspondait exactement à ce que je voulais. Ensuite,
très vite, j'ai commencé à tourner avec un drap noir comme
fond et avec une petite lampe pour lumière.