Après un interlude poético-romantique
superbe dans laquelle il autopsiait des histoires d’amour plurielles
cruelles et bouleversantes (Dolls), Kitano actualise
pour son onzième film le «Zatoichi», figure mythique des années
60 qui a fait l’objet d’un culte au pays du soleil levant. De
passage à Paris, le réalisateur, très entouré, nous parle de
ce film-somme qui signe à la fois un aboutissement formel et
le franchissement d’une étape de la carrière du cinéaste. Extraits
choisis de la conférence de presse où Kitano scintille entre
provocation, humour et honnêteté.
Objectif Cinéma
: On peut prendre Zatoichi
comme un film-somme. Que retenez-vous de vos années de
réalisation ?
Takeshi Kitano : il faut savoir
que ce n’est qu’après Hana-Bi, en 1997, que l’on a
commencé à me considérer comme un réalisateur dans mon pays.
Depuis mon prix au festival de Venise, en fait. Ce n’est pas
pour autant que j’ai eu plus de facilité pour faire des films.
Au contraire. C’est Zatoichi qui m’a fait gagné le plus d’argent.
C’est assez drôle en fin de compte parce que c’est un film
de commande. Ça me chagrine un peu parce que c’est comme si
les gens n’allaient voir mes films uniquement que quand on
me dit ce qu’il faut faire (il esquisse un sourire).
Certains m’ont dit que l’absence de plans fixes avait plus
séduit les Japonais. Cela a également séduit les critiques
de là-bas qui m’ont dit, suite au film, que je savais enfin
me servir d’une caméra (rires).
Objectif Cinéma : Qu’est
ce qui vous a donné envie de devenir réalisateur ?
Takeshi Kitano : La première
fois que j’ai eu envie de devenir réalisateur, c’était sur
le tournage de Furyo de Nagisa Oshima. Oshima est quelqu’un
d’atrabilaire sur les plateaux de tournage et il avait la
réputation de maltraiter ses acteurs. Ainsi, Sakamoto et moi-même
lui avions dit que nous accepterions de jouer dans ce film
à l’unique condition qu’on soit bien traités. En fin de compte,
tous les autres membres de l’équipe se faisaient engueuler,
sauf nous. Il se vengeait sur eux parce qu’ils ne pouvaient
pas nous engueuler. J’avoue avoir plus un certain plaisir
à regarder ça.