Entretien
réalisé
le 3 décembre, à Paris
Par Bernard PAYEN et Matt DRAY
Photos de Matt DRAY
Pierre Richard a marqué nos enfances.
Par la création d’un personnage lunaire et d’un univers burlesque
apparus pour la première fois en 1970 avec Le distrait.
On a pu très tôt s’identifier aux personnages décalés et imprévisibles
qu’il interprétait dans ses propres films aux titres improbables
(Je sais rien, mais je dirais tout ; C’est
pas moi, c’est lui, etc), mais aussi dans les films
d’Yves Robert (le mythique Grand blond avec unechaussure
noire !) et de Francis Veber (La chèvre, Les
fugitifs, Les compères, et le trop méconnu Le
jouet, caustique et cruel). On pourrait presque dire que
Pierre Richard est notre Harpo Marx, à ceci près qu’il
a évolué au cinéma pendant trente ans sans véritablement de
frères récurrents de comédie (si ce n’est Depardieu) mais
en compagnie de nombreux pères de cinéma.
Depuis quelques années, sa carrière a pris un tournant différent
avec les aventures picaresques d’un cuisinier français à la
veille de la Révolution d’Octobre en Géorgie (Les 1001
recettes du cuisinier amoureux de Nana Djordjadzé), son
interprétation de Vitalis, le musicien ambulant de Sans
Famille ou celle de Robinson Crusoe, diffusé en
décembre 2003 sur France 2. En 2004, il sera sur les écrans
dans Déluge, le film de Damien Odoul, avec Anna Mouglalis.
« Mon premier rôle tragique » annonce-t-il
déjà.
On le retrouve aujourd’hui au Théâtre du Rond-Point, deux
heures avant son entrée en scène. Il y interprète Détournement
de mémoires, le spectacle qu’il a créé d’après son livre
« Comme un poisson sans eau » : « Vous
savez, vous risquez d’être déçu car je ne suis pas un analyste
ou un théoricien de mon propre travail » nous annonce-t-il
d’entrée de jeu. Et de continuer sur sa lancée :
Tout, chez moi, est spontané, instinctif,
ce n’est pas le fruit d’une réflexion. J’ai souvent été
dans mes films comme j’étais dans la vie. Un jour, Yves
Robert m’a dit : « Tu n’es pas un comédien, tu es
un personnage ». Sur le moment, j’étais un petit
peu vexé, maintenant je ne le suis plus du tout. Je ne me
suis pas senti comédien pendant très longtemps. J’étais
davantage le créateur de mon propre personnage que je replaçais
dans un univers qui m’était moins personnel (celui de la
publicité par exemple dans Le distrait). Au bout
d’un moment, j’ai eu envie d’aller faire l’acteur…