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L'Argent (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment vous situez-vous dans la tradition du cinéma européen et français en particulier ? 

Eugène Green : Je ne travaille pas en référence au cinéma existant. Par exemple, Bresson m’a beaucoup marqué quand j’étais adolescent, j’ai vu tous ses films plusieurs fois mais la dernière séance d’un film de Bresson à laquelle j’ai assisté, avant de réaliser un film moi-même, c’était l’Argent, à sa sortie, en 1982. Et j’ai tourné Toutes les Nuits 17 ans plus tard. Quand on crée, on crée à partir de sa vie, de son expérience, et l’art fait partie de l’expérience. Une autre référence pour moi, c’est Ozu, et formellement je ressemble sans doute beaucoup plus à Ozu qu’à Bresson, mais je ne pense pas avoir emprunté ou cité des plans de l’un ou de l’autre. On parle parfois aussi d’Eustache ; ses films m’ont beaucoup marqué, mais je ne les ai jamais revus : je les ai vus à leur sortie, et ça fait trente ans. Je ressens donc une affinité globale avec le grand cinéma européen, disons de 1955 à 1979, je ressens une affinité naturelle avec certains cinéastes asiatiques, aussi bien classiques comme Ozu que contemporains comme Hou Sao Sien, Wong Kar Wai ou Kore- Eda, et puis je m’entends très bien avec la jeune génération de cinéastes français qui ont dans les trente ans.

J’ai cessé d’aller au cinéma au début des années 80 et même j’ai laissé tomber mon rêve de faire du cinéma. Maintenant je me rends compte que c’est parce qu’à ce moment-là le cinéma européen a pris un tournant qui m’éloignait de lui. Je trouve qu’au début des années 90, il y a eu un renouveau, le cinéma redevient intéressant. Il y a eu l’apport du cinéma asiatique qui a été très important.

Comme je suis un peu atypique, par mon parcours et par mon âge, peut-être que je suis, pour ces jeunes cinéastes qui ont moins de quarante ans, une sorte de martien patriarche, qui sert de liaison entre le cinéma des années 60 et 70 et la création cinématographique actuelle.

  Toutes les nuits (c) D.R. (c) D.R.

Quand je discute avec eux, je m’aperçois qu’ils attendent de moi un encouragement à continuer dans la recherche de l’expression de la spiritualité par le cinéma ; c’est quelque chose qui est en eux et que je vois déjà dans les films qu’ils font. Mais ils sont très prisonniers d’une culture dominante, d’un climat intellectuel hostile. Dans les années 60 et 70, il y a eu un décalage entre les films faits par des cinéastes ayant une ou deux générations de plus et les soixante-huitards qui étaient les spectateurs mais pas les créateurs de ce cinéma, et qui avaient une culture très intolérante, avec des certitudes absolues. Comme les soixante-huitards ont toujours le pouvoir et qu’il y a un héritage intellectuel de cette époque, il y a une sorte d’angoisse chez ces cinéastes contemporains qui ont des aspirations spirituelles. Et donc, parfois, j’ai l’impression d’être, d’une manière presque passive, par ma simple présence, un passeur. En faisant ce que je fais et en tenant le discours qui m’est naturel, j’aide des gens à faire ce que, de toute façon, ils doivent faire, et qu’ils feront…

Donc, par rapport à l’histoire du cinéma, je suis peut-être une soucoupe volante partie du cinéma des années 70 et qui arrive au début du vingt et unième siècle…



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2001
 Toutes les nuits avec Alexis Loret, Adrien Michaux
2003 Le Monde vivant avec Adrien Michaux, Alexis Loret