Entretien
réalisée
à Clermont-Ferrand, en février 2004
Par Matthieu CHEREAU
C’est la veille du Sabbat. Rachel, dont
les parents sont très pratiquants, se glisse hors de la maison…
Divertissement sabbatique frappe avant tout par sa
grande beauté plastique et une certaine force d’évocation.
Le propos relativement fin et l’intrigue bien menée font que
ce film ressemble à tout sauf à un premier film, tant sa maturité,
sur le fond comme sur la forme, paraît indéniable. C’est la
raison pour laquelle nous avons souhaité rencontrer Oded Binnun
et Michal Brezis, ses deux réalisateurs.
Objectif Cinéma :
Avez-vous cherché, à travers l’univers
esthétique de votre film, à décrire l’adolescence telle
qu’elle peut être conçue dans l’imaginaire collectif, ou cet
univers sert-il d’autres fins ?
Oded Binnun : La couleur
traite les mêmes thèmes que l’histoire. Le blanc représente
par exemple la pureté de la vie religieuse telle que sa famille
la considère, tandis que le rouge exprime plutôt la transgression
de cette vie.
Michal Brezis : C’était
important pour nous de rendre cette dichotomie parce qu’on
a toujours dit à cette fille que tout ce qui relevait du monde
séculaire et de la transgression était fondamentalement mauvais.
La nuit, qui est le théâtre d’une activité transgressive (la
jeune fille sort avec ses amies pendant le Shabbat), est donc
peinte sous des couleurs passionnées, le rouge et le noir.
Oded Binnun : Oui, ces
couleurs de la nuit expriment esthétiquement le pêché du point
de vie de la religion.
Michal Brezis : Le film
évoque également en filigrane le sentiment de culpabilité
de cette fille. Peut-être pense-t-elle, comme sa famille le
lui a inculqué, que ce qu’elle fait est un pêché. La couleur
exprime sa manière de sentir.